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  • Saint-Denis, la cathédrale des rois

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    La basilique de Saint-Denis, devenue cathédrale en 1966, est aussi, et surtout, la nécropole des rois de France, profanée sous la Révolution. Retour sur l’histoire incroyablement riche et tourmentée de ce lieu que Denis Tillinac surnommait “le vrai Panthéon de la droite”.

    Par Jérôme Besnard

    C'est aux alentours de 639 que Dagobert Ier fut le premier roi franc enterré à Saint-Denis, inaugurant ainsi une tradition qui perdurera douze siècles.

    Au début était une nécropole gallo-romaine où, selon la tradition, le premier évêque de Paris, saint Denis, aurait été enterré au IIIe siècle, après son martyr dans l’actuel XVIIIe arrondissement de la capitale. Sainte Geneviève fera bâtir une chapelle sur son tombeau deux siècles plus tard. Le site désormais entouré de prestige, la reine Arégonde, épouse du roi mérovingien Clotaire Ier, le fils de Clovis, y sera inhumée entre 573 et 579. Première dépouille royale de Saint-Denis, son sarcophage n’a été retrouvé qu’en 1959 lors de fouilles effectuées par l’historien Michel Fleury. Il est aujourd’hui visible dans la basilique.

    Le célèbre Dagobert fut ensuite le premier roi franc enterré en ce lieu de pèlerinage aux alentours de l’an 639, inaugurant ainsi une tradition qui perdurera… douze siècles ! C’est probablement à son époque que le clergé desservant la basilique adopte le mode de vie monastique qu’il devait conserver jusqu’à la Révolution.

    TRADITITIONS CHRETIENNES FRANQUES

    Sous les Carolingiens, aux VIIIe et IXe siècle, les abbés de Saint-Denis deviennent les archichapelains des rois, puis empereurs, de la seconde dynastie franque. Devenant ainsi les fonctionnaires les plus importants de l’État, chargés notamment de la sauvegarde de l’histoire et des traditions chrétiennes franques. Le 24 février 775, Charlemagne préside la consécration de la nouvelle église, dédiée à saint Pierre. Elle prend alors la forme d’une basilique romaine d’une longueur de 80 mètres. Des traces de sa crypte subsistent toujours et sont visibles sous l’actuelle cathédrale.

    Durant la seconde moitié du IXe siècle, ce qui était alors un monastère subit les attaques des Vikings. Et il faudra attendre 1135 et l’initiative de l’abbé Suger, conseiller des rois capétiens Louis VI et Louis VII, pour voir la basilique renaître véritablement de ses cendres dans le but de relancer le pèlerinage. Incluant un nouveau chœur, les travaux s’achèvent en 1144, inaugurant l’art gothique. Désormais, les rois de France se rendront à l’abbaye pour recevoir l’oriflamme rouge de Saint-Denis avant de partir pour la guerre ou la croisade. Il sera arboré au combat jusqu’au désastre d’Azincourt en 1415.

    Le Saccage Révolutionnaire Des Tombes Royales

    Au XIIIe siècle, est reconstruite l’antique nef carolingienne de l’église. Les nouvelles voûtes gothiques s’élèvent dorénavant à 30 mètres de hauteur. Puis, procédant de l’action conjuguée du roi saint Louis, de sa mère Blanche de Castille, régente du royaume durant la minorité de son fils, et de l’abbé Eudes Clément, des travaux de grande ampleur sont à nouveau menés durant un demi-siècle (1231-1281) – donnant à l’édifice l’essentiel de son allure actuelle.

    C’est dans cette basilique de Saint-Denis que le roi Henri IV a abjuré le protestantisme en 1593, prélude à son entrée dans Paris. À partir de 1633, l’abbaye est confiée aux moines bénédictins mauristes, réputés pour leur érudition. Preuve que ce lieu est décidément à part : en 1691, Louis XIV supprime le titre d’abbé à Saint-Denis, les supérieurs religieux de la communauté étant désormais nommés grands prieurs. Les bâtiments conventuels entourant l’église sont reconstruits à partir de plans dressés par l’architecte Robert de Cotte. Mais l’abbaye sera supprimée par les révolutionnaires à l’été 1792.

    C’est au cours de cette période révolutionnaire, sur laquelle il convient de s’attarder, que ce lieu sacré devenu la nécropole des rois de France, va connaître le plus terrible épisode de sa longue vie. Pour aborder celui-ci, autorisons-nous un détour par la littérature ; l’évocation y gagnera en force.

     

        LE PREMIER “TYRAN” FORCE DANS SON REPOS ETERNEL FUT LE BON ROI HENRI IV

     

    En 1991, l’écrivain Jean Raspail publie en effet son roman Sire où il imagine qu’à la toute fin du XXe siècle quelques jeunes Français au cœur pur restaurent la monarchie en sacrant un nouveau roi dans la cathédrale de Reims. Au début du livre, il place le long récit glaçant de la destruction méthodique de la nécropole royale à l’été et l’automne 1793. Prenons le temps d’en lire un extrait : « Le premier “tyran” forcé dans son repos éternel fut le bon roi Henri IV, écrit-il. Lorsqu’on eut fait sauter à coups de marteau et de pied-de-biche le lourd couvercle de son cercueil de chêne, puis son cercueil de plomb à la barre à mines, déclenchant dans le caveau des Bourbons un épouvantable vacarme, son corps apparut enveloppé d’un suaire blanc presque intact. On dégagea la tête, et, dans l’air raréfié, se répandit une forte exhalation d’aromates. Ce roi-là sentait bon.

    Ce ne fut pas le cas des autres. Après cent-quatre-vingt-trois ans dans le tombeau, son visage était admirablement conservé, la barbe presque blanche, les traits sereins, à peine altérés. Le cadavre fut ainsi dressé, comme un mannequin, et adossé à un pilier. La foule qui l’entoure, impressionnée, suspend un instant sa haine. Peut-être même est-elle émue au spectacle de ce grand roi debout, immobile dans son linceul.

    Et si elle tombait à genoux, en témoignage d’ancien respect? Mais la loi qui régit les masses humaines ne souffre pas d’exception, c’est toujours le plus vil qui l’emporte, et le plus vil, le voici : un soldat, même pas pris de boisson, ce qui eût au moins constitué une excuse.

    Se poussant au premier rang, avec des mines de matamore, le soldat, courageux fils du peuple, tire son sabre et coupe ras une bonne mèche de barbe blanche dont il se fait une moustache postiche sous les rires et les applaudissements. Voilà, c’est décidé, la foule sera abjecte".

    Elle le sera en effet, faisant basculer dans des fosses communes remplies de chaux vives, les corps des rois et des princesses, des princes et des reines français. Aucune dynastie ne fut épargnée. Les dépouilles des Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens, Valois et Bourbons subirent un sort identique. Jusqu’en avril 1794, la basilique profanée fut transformée en temple de la Raison.

    LES CORPS DE LOUIS XVI ET MARIE-ANTOINETTE

    La restauration de la basilique sera heureusement décidée par Napoléon en 1805, et confiée aux architectes Jacques-Guillaume Legrand puis Jacques Cellerier. Ils vont sauver l’abbaye. L’Empereur décide également en 1809 de la transformation de l’abbaye en maison d’éducation de la Légion d’honneur, inaugurée deux ans plus tard – et subsistant encore aujourd’hui.

    Puis Louis XVIII, en 1817, fait rassembler dans un ossuaire les restes de ses prédécesseurs extraits des fosses communes, transférant également les corps de son frère Louis XVI et de Marie-Antoinette, jusqu’alors inhumés au cimetière parisien de la Madeleine après leurs exécutions de 1793. Malgré les travaux d’un autre grand architecte, François Debret, l’édifice demeure cependant en piètre état, et c’est Eugène Viollet-le-Duc, le restaurateur de Notre-Dame de Paris, qui lui donnera son aspect actuel, sauvant l’essentiel de l’église médiévale.

    Il faudra attendre 1966 pour que la basilique devienne église cathédrale du nouveau diocèse de Saint-Denis, créé à partir de paroisses détachées de ceux de Paris et Versailles. Un ambitieux mais contesté projet de remontage de la tour et de la flèche nord, démontées par Viollet-le-Duc, voit enfin le jour au début du XXIe siècle, mais pour des raisons techniques de fragilité de l’édifice, le chantier tarde à être réalisé.

    En plein cœur d’un département sinistré devenu le symbole d’une France multiculturelle traversée de tensions, la basilique de Saint-Denis représente plus que jamais, de façon presque insolente au milieu de cet environnement, la mémoire de l’ancienne France et d’une chrétienté déclinante en Europe.

     

    Cet article est tiré du Hors-Série de Valeurs actuelles, La Fabuleuse histoire de Notre-Dame et de nos cathédrales, 132 pages, 11,90 euros

  • L’idéologie du bonheur avant le droit à la liberté

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    Nos élites actuelles incarnent la grandeur ou la pusillanimité, la faiblesse, la lâcheté.

    Aujourd’hui, une crise de leadership terrible est due à la crise de caractère, à une crise de la famille, parce que c’est dans la famille que les gens se forment, développent le leadership, développent le caractère. Cette crise de la famille, cette désintégration mondiale de la famille, surtout en Europe et aux Etats-Unis, aboutit à des personnes sans caractère qui ne peuvent pas être des leaders.

    Le leadership, c’est fondamentalement une question de caractère. Ce n’est pas être le roi, ce n’est pas une position sociale, ce n’est pas une fonction. Le leadership, c’est un mode d’être. Des gens véritables leaders n’ont aucun pouvoir, parce qu’ils sont magnanimes et humbles, parce qu’ils ont un sens de la grandeur et un sens du service. Aujourd’hui, en Europe et aux Etats-Unis, les leaders en place n’auraient jamais dû avoir le pouvoir. On est choqué en voyant ce misérabilisme moral.

    Des nullités crasses ne méritent pas le pouvoir, ne dirigent rien du tout, et pourtant ils ont le pouvoir, détruisent notre civilisation. Mais il y a des gens derrière eux. Ceux qui dirigent sont derrière eux. Ce n’est pas de la conspiration. Des gens extrêmement riches veulent le pouvoir pour eux-mêmes, veulent diriger notre planète, manipulent les personnes au pouvoir. Et les personnes au pouvoir ne sont pas élues par le peuple, mais par la finance. La finance contrôle les médias. Les hommes politiques arrivent au pouvoir par la finance et les médias. Ces gens très riches possèdent les moyens d’information, donnent les mots d’ordre qui sont immédiatement suivis. Donc les politiques au pouvoir sont des marionnettes, des marionnettes qui ne nous dirigent pas, des marionnettes dirigées par des gens très influents, des gens qui ont une vision désastreuse de la personne humaine, des gens qui veulent assouvir leur pouvoir.

    La soif de pouvoir, c’est une réalité, c’est le cœur humain. Il y a une décomposition complète du leadership. Il n’y a plus de leader, il y a seulement des manipulateurs, derrière la scène, qui influencent et orientent les hommes politiques.

    Un petit groupe de personnes très riches ayant une vision lamentable de l’être humain dirigent ces marionnettes. Ils sont en train de créer un chaos mondial, un chaos total parce qu’ils veulent ce chaos, afin de canaliser et infléchir la civilisation. Et au-dessus, il y a d’autres personnes, ceux qu’on appelle « les sauveurs ». Ceux qui viendront lorsque le chaos sera instauré, comme sauveurs. Ces « sauveurs » très différents, super sympathiques, beaux, gentils, doux, agréables, souriants, ressemblent plutôt à l’Antéchrist, c’est-à-dire des gens qui veulent ce chaos parce qu’ils veulent arriver comme libérateurs.

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  • Debout sur les tombes, NON! Respect des morts

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    Dimanche 6 juillet 2025, lors de la deuxième étape du Tour de France, des spectateurs étaient debout sur des tombes du cimetière de Saint-Étienne-au-Mont, dans le Pas-de-Calais, pour mieux voir passer les coureurs.

    Dimanche 29 mai 2016, dans le cadre des cérémonies organisées pour le centenaire de la bataille de Verdun, à Douaumont, 3 400 jeunes Français et Allemands surgissaient de la forêt, figurant les combattants de la Grande Guerre, au son de la Marche héroïque, couraient entre les tombes des soldats tombés à Verdun, puis venaient s’effondrer au pied de l’ossuaire, sur fond de percussions et au rythme des Tambours du Bronx. Cette scénographie, imaginée par le cinéaste allemand Volker Schlöndorff, entendait symboliser le fracas de la bataille de Verdun, l’une des plus sanglantes de la Première Guerre mondiale.

    François Hollande, Président de la République française, et Angela Merkel, chancelière d’Allemagne, promoteurs de la mise en scène, assistaient au spectacle.

    Patrick Kanner, ministre de la Jeunesse, a répondu aux critiques: " Grâce à notre jeunesse, le vrai tombeau de nos morts, c’est le cœur des vivants ".

    Quand les oligarques au pouvoir donnent l’exemple, pourquoi des gens du peuple se priveraient-ils de fouler les tombes,

    Les différentes pratiques funéraires, rites ou sacrements, reflètent la diversité des attitudes de l’homme envers la mort. Elles correspondent généralement à la croyance très ancienne que le décès n’est pas un total achèvement.

    L’inhumation a été pratiquée par les Néandertaliens il y a au moins cinquante mille ans. Certaines des traditions françaises proviennent donc d’un passé beaucoup plus ancien que la Gaule romaine ou même celtique.

    La plupart de ces coutumes ont pour but de faciliter le passage du défunt du monde des vivants à celui des morts, éventuellement de faciliter sa survie dans l’Au-delà, de lui permettre d’accéder au royaume des cieux.

    Les rituels funéraires s’expliquaient par la crainte éprouvée par la communauté envers les trépassés: crainte d’une contagion de la mort, crainte que l’âme du mort, attachée à la Terre, ne vienne troubler les vivants. Ainsi entourait-on le mort de ses parures, de ses armes. Par ces largesses, on désirait obtenir sa protection. Le 1er novembre marquait en Gaule le début de l’année et des semailles. On sollicitait les morts, détenteurs de toute-puissance.

    Les caractères des obsèques, cortèges, processions, banquets, deuil des parents et des proches, répondent à cette double intention. Au-delà des cérémonies immédiates, le respect dont on honore les morts, les cultes, les fêtes qu’on leur consacre, témoignent de la fidélité du sentiment et de la puissance des croyances, et contribuent vivement à la force du lien social. La Rome ancienne, l’Europe médiévale, en offrent des exemples remarquables.

    En Égypte, le corps était embaumé. La momie, enfermée dans un ou plusieurs cercueils, était conduite jusqu’à un tombeau solide et bien protégé. Auprès du sarcophage, on déposait les vases "canopes" où les embaumeurs avaient placé les viscères du mort, dont le fonctionnement serait assuré par quatre génies, fils d’Horus. On y transportait aussi les objets indispensables à la vie dans la " demeure d’éternité ". Sur les parois de celle-ci, on avait peint des aliments et des scènes de la vie quotidienne, car les Égyptiens croyaient que l’image pouvait remplacer magiquement l’objet représenté.

    Avant la mise au tombeau, un prêtre reproduisait sur le défunt des gestes magiques qui avaient été pratiqués sur le corps d’Osiris. Le mort recouvrait alors l’usage de ses sens et, semblable à Osiris, s’éveillait à une nouvelle vie.

    La survie était donc avant tout affaire de magie. À l’origine, les rites avaient été conçus pour le Pharaon. À partir du Moyen Empire, 2000 avant Jésus-Christ, le bénéfice en fut étendu au peuple tout entier. Mais ces rites entraînaient de lourdes dépenses: aménagement du tombeau, embaumement, funérailles. Seuls les plus riches pouvaient en profiter. Les petites gens avaient recours à des pratiques peu garanties: l’embaumement à bon marché et l’enfouissement dans les sables du désert.

    Du Sud de l’Espagne à l’Écosse, tout le long du rivage atlantique, et parfois loin à l’intérieur des terres, se dressent des monuments faits de grandes pierres, les mégalithes. Ils se présentent sous deux aspects, d’une part, les menhirs, pierres levées, isolées, alignées ou disposées en cercle, d’autre part, les dolmens, tables simples, recouvertes de terre ou juxtaposées de manière à former des " allées couvertes ".

    Les dolmens étaient des tombes collectives, où l’on a retrouvé certains objets en cuivre. On ignore la signification des menhirs.

    Ces monuments ont été édifiés entre 2500 et 1500 avant Jésus-Christ, sous l’influence d’hommes venus d’Orient et devenus assez bons marins pour affronter les hautes vagues de l’Atlantique.

    Transporter et dresser ces pierres énormes, exigeait, faute d’un outillage perfectionné, la collaboration d’un grand nombre d’hommes, toute une organisation politique, économique et sociale.

    En Grèce, on prenait toutes les précautions requises pour épargner au défunt toutes les souffrances évitables. Il était indispensable d’enterrer ou d’incinérer son corps. Autrement son âme irait errant sans trêve de par le monde et tirerait vengeance de sa négligente postérité.

    En pareil cas, le disparu pouvait réapparaître à l’état de fantôme et apporter maladies ou désastres aux plantes comme aux hommes. La crémation fut plus populaire aux temps héroïques. À l’époque classique, de préférence, on enterrait les morts. C’était déjà l’usage mycénien. Il survivra dans le monde chrétien. La crémation s’était établie en Grèce avec les Achéens et les Doriens, empêchés par leurs mœurs nomades de prendre les soins requis pour l’entretien des tombeaux. L’une ou l’autre de ces deux pratiques était obligatoire à Athènes, à tel point que les généraux qui remportèrent la victoire des Arginuses, en 406 avant Jésus-Christ, furent mis à mort pour avoir négligé de recueillir les corps de leurs combattants tombés dans la bataille et de les ensevelir, à cause d’une violente tempête.

    Les obsèques se déroulaient selon d’anciennes coutumes. Le repos du défunt dépendait de la piété de ses proches. Le cadavre était baigné, oint de parfums, couronné de fleurs, et revêtu des plus beaux habits que la famille pouvait trouver pour lui. Le corps était exposé sur un lit de parade. On plaçait entre ses dents l’obole que percevra Charron, le mythique batelier qui fait traverser le Styx aux défunts pour les mener dans l’Hadès, le royaume des morts. Puis le corps était déposé dans un coffre de bois ou de céramique.

    On prenait le deuil en s’habillant de blanc, non sans tondre tout ou partie de sa chevelure, en don offert au défunt. Le troisième jour, le cercueil, placé sur un brancard, était transporté en procession le long des rues, au milieu des gémissements et pleurs des femmes qui se frappaient la poitrine, jusqu’à sa tombe située près de la ville, au bord d’un chemin. Une fois le corps enseveli et la sépulture recouverte, on versait sur le gazon une libation de vin, pour étancher la soif de l’âme défunte. Parfois aussi, des animaux étaient sacrifiés pour l’alimenter. Les affidés, les parents, érigeaient une stèle, déposaient sur la tombe des guirlandes de fleurs ou des branches de cyprès. Ensuite, ils retournaient à la maison pour y prendre le repas funéraire.

    Les enfants se rendaient périodiquement sur les tombes de leurs ancêtres et leur offraient à manger et à boire. On continuait d’honorer les morts par des offrandes.

    Aux temps féodaux, le défunt était toujours inhumé pour attendre le jugement dernier, l’incinération n’était pas pratiquée. Par humilité, le chrétien était la plupart du temps enterré en pleine terre, nu dans un linceul. Le corps était parfois placé dans un cercueil, lorsqu’il s’agissait de nobles ou de moines. Ce cercueil pouvait être somptueux et empli de fleurs. Malgré les réticences de l’Église, les laïcs étaient parfois accompagnés d’objets personnels, religieux, voire profanes. Le testament indiquait le lieu où le défunt avait choisi d’être inhumé. Le cimetière paroissial avant tout, parfois les monastères, les églises.

    Depuis des millénaires et des millénaires, l’homme enterre et respecte les morts, selon des coutumes propres à chaque civilisation. L’homme se souvient des morts, entretient les tombes, et maintient les cimetières en bon état.

    Dans le poème intitulé "Demain dès l’aube", ou "Sur ta tombe", morceau des Contemplations, écrit en 1847, publié en 1856, en mémoire de sa fille Léopoldine, qui s’est noyée accidentellement en 1843 dans la Seine, Victor Hugo dépeint le respect dû aux morts, son immense tristesse, et l’immortalité de Léopoldine. On ne marchait pas sur la tombe de Léopoldine, Victor Hugo ne l’aurait pas supporté. Voici le poème:

    "Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

    J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

    Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

    Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

    Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur ".

    À l’école primaire, au cours de leçons de morale, à la veille du 1er Novembre, les instituteurs et institutrices expliquaient aux enfants comment respecter les morts. L’extrait ci-dessous témoigne de cette initiation. Il est tiré d’un livre L’éducation morale à l’école primaire, de Joseph Cressot, livre réédité en 1955. Joseph Cressot, (1882-1954), inspecteur de l’école primaire, directeur de l’École Normale de Montigny-les-Metz, et auteur d’un livre remarquable et oublié, Le pain au lièvre. Voici cet extrait:

    " Rien n’est plus naturel que de respecter, de regretter, d’aimer les disparus. Ils ont vécu, travaillé, souffert pour nous: ils nous ont donné plus que les vivants: un instant de réflexion nous en convainc.

    Ceux de notre famille, nos morts, n’avons-nous pas encore dans notre mémoire leur image, Ne sentons-nous pas encore la chaleur de leur affection, Les aïeux que nous n’avons pas connus, ne nous ont-ils pas donné leur nom, les traits de leur visage, leur caractère, Nous habitons souvent la maison qu’ils ont construite: nous mangeons le pain de leurs champs et les fruits de leurs arbres. S’ils nous ont peu donné, c’est qu’ils n’avaient guère.

    Ceux de notre pays, depuis deux mille ans, ont défriché la terre, bâti des routes et des ponts, des églises et des hôpitaux, fait notre langue en la parlant et en écrivant de beaux livres, guéri les maladies… Si la France est un des pays où il fait le meilleur vivre, c’est grâce à eux. À ceux des deux dernières guerres enfin, nous devons la liberté et la paix.

    Il faut tout d’abord être très respectueux pour tout ce qui touche à la mort. Le cimetière n’est pas un terrain de jeux: ne touchez pas aux tombes, si ce n’est pour les soigner. Cessez vos cris et vos jeux autour des maisons en deuil: découvrez-vous gravement quand passe un enterrement. Quand vous assistez à une cérémonie funèbre, soyez sérieux, recueillis, silencieux, donnez une leçon aux grandes personnes, qui, parfois se tiennent mal.

    La pensée de nos morts ne peut aller sans regret et sans tristesse. Il est bon de garder fidèlement leur souvenir, de fleurir leurs tombes, de conserver les choses qu’ils aimaient, de parler d’eux avec ceux qui les ont connus. Ils continuent ainsi à vivre en nous, dans ce qu’ils avaient de meilleur ".

    Depuis quelques décennies, les tombes et les cimetières sont profanés. On chante et on danse autour des tombes, on piétine les tombes. Les progressistes accompagnent ce mouvement et s’insurgent contre les conservateurs qui osent dénoncer ces pratiques, les traitant de ringards et d’arriérés.

    À la fin des temps féodaux, après la peste noire, et en pleine guerre de Cent Ans, le culte de la mort se manifestait de façon flamboyante par la figuration des corps décharnés sur les tombeaux, les transis. La présence répétée de la mort, ses manifestations injustes, puisqu’elle ne respectait pas la succession des âges, la difficulté d’accomplir les rites funéraires, étaient des facteurs de troubles. Le mot macabre apparut en cette fin de XIVe siècle, et des danses macabres se répandirent dans les cimetières.

    De l’effusion lyrique, on passa au pathétique. La dramatisation de la vie religieuse s’expliquait facilement par les malheurs du temps: peste, guerre, famines. Cette dramatisation faisait de la Mort le personnage central de l’univers chrétien.

    Au XVIIIe siècle, un cimetière français subit le blasphème. En 1725, une femme a été guérie au passage du Saint-Sacrement porté par un prêtre janséniste. En 1727, des guérisons se produisirent sur le tombeau d’un prêtre janséniste du diocèse de Reims. Les guérisons les plus célèbres eurent lieu au cimetière de Saint-Médard, sur le tombeau du diacre François de Paris, mort en 1727.

    En novembre 1730, un premier miracle se déroula sur sa tombe. D’autres guérisons suivirent en 1731, de plus en plus souvent accompagnées de convulsions nerveuses. Le bruit courut alors que, sur la tombe du diacre janséniste Pâris, il se produisait des miracles.

    Les malades accoururent en foule au cimetière Saint-Médard où le diacre était enterré. L’exaltation mystique engendra des scènes tumultueuses de convulsions. Le cimetière de Saint-Médard offrit des spectacles de scènes morbides d’hystérie collective, de convulsions et de flagellations, de scènes masochistes.

    Une ordonnance royale du 29 janvier 1732 prescrivit la fermeture du cimetière. Le cardinal Fleury fit expulser les convulsionnaires de Saint-Médard par la police.

    L’affaire des convulsionnaires fut une crise intérieure du jansénisme, une crise qui débordait dans le public, touché ou scandalisé. Un cimetière était profané. Les pouvoirs publics mirent rapidement fin à ces débordements et imposèrent le respect dû aux morts.

    Aujourd’hui, les violations des cimetières deviennent courantes, habituelles, normales et banales. Les pouvoirs publics restent muets ou provoquent ces dérives, comme à Verdun.

    Ces dérèglements traduisent la dégénérescence de notre société, dégénérescence qui passe pour un redressement, un relèvement, une amélioration, aux yeux des macronistes et des gauchistes. On ne respecte plus les morts. On ne respecte plus l’homme, ni la femme, on ne respecte plus les vieux, on ne respecte plus les enfants. On ne respecte plus la nature, malgré ou à cause de l’écologie. On ne respecte plus la vie. On ne respecte plus la morale traditionnelle, celle que Joseph Cressot développait dans son livre. On ne respecte plus rien. L’irrespect est la marque déposée du progressisme transgressif macroniste et gauchiste. On inverse la morale pour mieux légaliser, homologuer, et pérenniser la transgression. Les progressistes sont amadoués et charmés, les conservateurs sont offensés et écœurés.

    Pendant des siècles et des siècles, nos ancêtres se sont évertués à honorer et respecter leurs morts, avec des moyens limités. A notre époque, nous marchons sur les morts et cela n’éveille aucun trouble chez les dirigeants et dans la gauche.

    La profanation des tombes et des cimetières reflète toujours un malaise profond de la société, les tensions de la structure sociale, le désarroi et la détresse du peuple.

    Jean Saunier