L’idéologie du bonheur avant le droit à la liberté (23/08/2025)
Nos élites actuelles incarnent la grandeur ou la pusillanimité, la faiblesse, la lâcheté.
Aujourd’hui, une crise de leadership terrible est due à la crise de caractère, à une crise de la famille, parce que c’est dans la famille que les gens se forment, développent le leadership, développent le caractère. Cette crise de la famille, cette désintégration mondiale de la famille, surtout en Europe et aux Etats-Unis, aboutit à des personnes sans caractère qui ne peuvent pas être des leaders.
Le leadership, c’est fondamentalement une question de caractère. Ce n’est pas être le roi, ce n’est pas une position sociale, ce n’est pas une fonction. Le leadership, c’est un mode d’être. Des gens véritables leaders n’ont aucun pouvoir, parce qu’ils sont magnanimes et humbles, parce qu’ils ont un sens de la grandeur et un sens du service. Aujourd’hui, en Europe et aux Etats-Unis, les leaders en place n’auraient jamais dû avoir le pouvoir. On est choqué en voyant ce misérabilisme moral.
Des nullités crasses ne méritent pas le pouvoir, ne dirigent rien du tout, et pourtant ils ont le pouvoir, détruisent notre civilisation. Mais il y a des gens derrière eux. Ceux qui dirigent sont derrière eux. Ce n’est pas de la conspiration. Des gens extrêmement riches veulent le pouvoir pour eux-mêmes, veulent diriger notre planète, manipulent les personnes au pouvoir. Et les personnes au pouvoir ne sont pas élues par le peuple, mais par la finance. La finance contrôle les médias. Les hommes politiques arrivent au pouvoir par la finance et les médias. Ces gens très riches possèdent les moyens d’information, donnent les mots d’ordre qui sont immédiatement suivis. Donc les politiques au pouvoir sont des marionnettes, des marionnettes qui ne nous dirigent pas, des marionnettes dirigées par des gens très influents, des gens qui ont une vision désastreuse de la personne humaine, des gens qui veulent assouvir leur pouvoir.
La soif de pouvoir, c’est une réalité, c’est le cœur humain. Il y a une décomposition complète du leadership. Il n’y a plus de leader, il y a seulement des manipulateurs, derrière la scène, qui influencent et orientent les hommes politiques.
Un petit groupe de personnes très riches ayant une vision lamentable de l’être humain dirigent ces marionnettes. Ils sont en train de créer un chaos mondial, un chaos total parce qu’ils veulent ce chaos, afin de canaliser et infléchir la civilisation. Et au-dessus, il y a d’autres personnes, ceux qu’on appelle « les sauveurs ». Ceux qui viendront lorsque le chaos sera instauré, comme sauveurs. Ces « sauveurs » très différents, super sympathiques, beaux, gentils, doux, agréables, souriants, ressemblent plutôt à l’Antéchrist, c’est-à-dire des gens qui veulent ce chaos parce qu’ils veulent arriver comme libérateurs.
La société actuelle va vers un chaos total provoqué par ces manipulateurs qui manœuvrent les marionnettes. Au-dessus d’eux, des gens regardent, contemplent, veulent ce processus, savent qu’un moment viendra où il faudra qu’ils se présentent comme libérateurs.
Actuellement, il y a des manipulateurs, il y a des marionnettes, et il y a des sauveurs, les plus dangereux de tous, parce qu’ils ont l’air gentils, ils ont l’air bons, ils ont l’air capables, ils ont l’air de nous aimer, ils sont très attrayants. Au contraire, les manipulateurs, Ted Turner, Bill Gates, Soros, ont des gueules d’enfer. Les sauveurs attendent leur temps.
Les sauveurs vont exiger qu’on leur donne la liberté en échange de biens matériels. Et on va leur donner notre liberté, on va leur donner notre dignité, on va tout leur donner pour qu’ils nous rendent le pain, la sécurité, le bonheur. À ce moment, on n’est plus un être humain. On tombe dans le piège.
En Europe, on a des rationalistes, et de moins en moins de gens rationnels. Les Russes, par le cœur, ont capté des choses incroyables, inouïes. Par la logique, on ne peut pas tout capter, on capte certaines choses, mais on est très limité. C’est la force de l’Orient, ce mysticisme, cette capacité de saisir les choses. Dostoïevski et Soloviev sont de très grands visionnaires. Ils ont vraiment saisi par le cœur tout le drame qui allait se dérouler au XXIe siècle en France, et dans le monde entier.
Dostoïevski (1821-1881) et Soloviev (1853-1900) nous ouvrent les yeux sur les temps que nous vivons. La grande idée, le cœur de la pensée de Dostoïevski, c’est le concept de liberté. Dans Les frères Karamazov, dans cette image de la légende du Grand inquisiteur, il dévoile vraiment le fond de son cœur. Il voit que vient un moment où l’humanité devra choisir entre la liberté et le pain. Des personnes vont dire : donne-moi ta liberté, et moi je te donne en échange le pain, le plaisir, la sécurité, les jeux, l’amusement. On avance vers ce système. C’est le drame de l’homme moderne qui perd le sens de sa propre liberté.
Dostoïevski nous dit : les « sauveurs » de l’humanité arrivent et vont nous dire : moi j’ai toutes les solutions, faites-moi totalement confiance, donnez-moi votre âme et votre corps, je vais vous donner tout ce dont vous avez vraiment besoin pour vivre d’un point de vue matériel, seulement donnez-moi votre liberté. L’humanité va être confrontée à cette réalité du choix entre le pain et la liberté, et cela va bientôt arriver. À différents niveaux, c’est en train d’arriver.
La légende du Grand Inquisiteur a un grand intérêt littéraire, et un grand intérêt philosophique. À Séville, un Inquisiteur rencontre Jésus qui serait de retour 1500 ans après. L’inquisiteur accuse Jésus d’avoir infligé à l’espèce humaine le fardeau de la liberté, veut le faire brûler, et le met en prison. Pour l’inquisiteur, un cardinal qui a perdu la foi, les êtres humains sont des nuls, ils ne peuvent pas utiliser la liberté parce qu’ils sont mesquins, petits, sensuels, avides de plaisirs. Après un long Inquisitoire, Jésus s’avance en silence vers l’Inquisiteur et l’embrasse sur les lèvres. L’Inquisiteur, surpris et ému, lui demande de ne jamais revenir et le laisse partir.
Dans son monologue, l’inquisiteur prétend que Jésus n’a pas aimé les gens, qu’il a exigé d’eux des choses qu’ils ne peuvent pas donner. L’inquisiteur prétend aimer les gens, comprendre les gens : tous des nullités qu’il faut traiter comme des nullités, c’est à dire qu’il faut leur reprendre leur liberté et leur donner du pain et de la sécurité. Il fait ça pour eux, et ils l’aiment. Demain, on va brûler Jésus parce qu’il est un criminel. La profondeur du monologue est extraordinaire.
Le christianisme mise sur Jésus-Christ, à la fois homme et Dieu, le christianisme mise sur la liberté humaine. Le christianisme croit en la liberté humaine parce qu’il croit en l’amour, il sait que là où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas d’amour possible. Pour l’Antéchrist, l’amour ne sert à rien, on ne peut pas atteindre l’amour, l’amour n’existe pas parce que la liberté ne peut pas produire du bien, la liberté ne produit que du mal. L’inquisiteur retire la liberté aux gens et leur donne la paix et la tranquillité. Les gens mauvais veulent nous dire : la liberté, vous n’en avez pas besoin, vous ne pouvez rien faire de bon avec la liberté.
Aujourd’hui, les Européens, les Américains, doivent se rendre compte qu’un jour viendra un dilemme. On nous dira la liberté, vous n’en avez rien à faire parce ça ne produit que du mal. Non. La liberté produit aussi l’amour, la liberté produit aussi beaucoup de bien. Nous ne voulons pas renoncer à la liberté au nom de la sécurité, de la paix, des jeux du cirque et du pain. C’est très important. Il faut que les gens aient constamment cela à l’esprit. Nous ne voulons pas anéantir notre liberté, nous ne voulons pas faire le jeu de Grand Inquisiteur qui ment.
Nous préférons la stratégie du Christ : avoir confiance en la liberté humaine, en sachant que des gens sont incapables de l’utiliser positivement. Nous voulons utiliser la liberté effectivement, nous voulons faire un effort pour être libre. La liberté produit l’amour. Là où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas d’amour, il y a zombification, il y a des esclaves, et ce n’est pas l’objectif de notre existence.
Dostoïevski insiste : ne sacrifiez jamais votre liberté intérieure pour la sécurité et du pain. Il a compris ce qu’est la liberté humaine. Aujourd’hui, on parle beaucoup de liberté, mais en réalité, c’est du libertinage. Une liberté dans laquelle il n’y a pas plus de vérité, ce n’est plus du tout une liberté. Une liberté séparée de la vérité n’est pas la liberté, c’est de l’inconduite. Il s’agit de faire ce que j’ai envie de faire, ce n’est pas vraiment de la liberté. La vraie liberté consiste d’abord à comprendre par l’intelligence, par la réflexion. Que dois-je faire ? Ensuite, je suis libre de le faire ou de ne pas le faire. La liberté sans réflexion, sans intelligence, n’est plus de la liberté.
Là où l’intelligence n’entre plus en jeu, là où la vérité n’entre plus en jeu, là où il n’y a plus de recherche du bien et du mal, la liberté, c’est de l’enfantillage. Lire les journaux ou manger du poulet : voilà où se situe la liberté aujourd’hui. La vraie liberté, c’est être capable de faire des choix entre le bien et le mal. Il faut comprendre la liberté, ne jamais la séparer de la vérité, avoir soif de vérité, vivre dans la vérité. C’est ce que signifie un être libre.
Dans Court Récit sur l’Antéchrist, Soloviev raconte la venue et la défaite finale de l’Antéchrist. Le mal est la falsification du bien. Le mal radical accomplit son œuvre en nous faisant croire qu’il accomplit le bien. Ce sera le cœur du mensonge soviétique. L’ampleur des falsifications sataniques du XXe et du XXIe siècles prouve la vérité de cette mise en garde : le mal est d’autant plus profond quand il est l’illusion du bien.
L’Antéchrist est une figure de l’imposture religieuse. L’Antéchrist est un pseudo-Christ, un imposteur qui corrompt. Saint Paul prévenait déjà : « Satan lui-même se déguise en ange de lumière ».
Soloviev a une vision de fin du monde, il s’adresse à l’humanité entière, surtout aux chrétiens : il va y avoir un mensonge, l’absorption du christianisme par l’Humanisme athée. Les chrétiens ne se rendront même plus compte qu’ils ne sont plus chrétiens. Les chrétiens vont perdre conscience de leur christianisme, et pourtant, vont continuer à croire qu’ils sont chrétiens.
Il n’y aura plus Jésus-Christ, il n’y aura plus de sacrements, il n’y aura plus de prière, il n’y aura plus de contact avec Dieu. Il y aura seulement des valeurs, quelques valeurs chrétiennes. C’est ce qui se passe actuellement en France, avec une grande majorité d’évêques, la substance du christianisme n’existe plus. La seule chose qui existe, c’est le politiquement correct, le socialement correct, le moralement correct.
Cela se passe au niveau de l’Église universelle, on a exactement ce que dit Soloviev, c’est-à-dire, le christianisme est absorbé complètement par l’Humanisme politiquement correct, socialement correct, moralement correct du monde moderne. On appelle cela de l’Humanisme, parce qu’il s’agit de permettre aux hommes de vivre dans le péché, mais en leur disant que ce n’est pas un péché, ce n’est plus un péché, c’est le bien. Les gens ne se rendent pas compte qu’ils ne sont plus chrétiens.
La révolution se produit par acculturation, par habitude du politiquement, culturellement, socialement, moralement, religieusement correct de notre époque mondialiste-satanique. Habitus aurait dit Pierre Bourdieu (1930-2002).
Les humains choisissent le pain, même le pain aux insectes, le bonheur, même un bonheur factice et illusoire, la sécurité, même une sécurité artificielle et superficielle, le divertissement débile, plutôt que la liberté. Le déroulement vers le totalitarisme est inexorable, inéluctable. La liberté permet à chacun de commettre le mal, d’être endoctriné dans le fanatisme de l’utopie, mais aussi de demander pardon aux autres. Dans le monde moderne, l’idéologie du bonheur prime sur le droit à la liberté, d’où ses conséquences sur le dressage totalitaire de l’humanité.
François Sureau, discours de réception à l’Académie française, le 3 mars 2022 : « Je ne sais ce que Max Gallo aurait pensé du moment où nous sommes, où la fièvre des commémorations nous tient pendant que d’un autre côté le sens disparaît des institutions que l’histoire nous a léguées. Une séparation des pouvoirs battue en brèche, les principes du droit criminel rongés sur leurs marges, la représentation abaissée, la confusion des fonctions et des rôles recherchée sans hésitation.
Les libertés publiques compromises. Le citoyen réduit à n’être plus le souverain mais simplement l’objet de la sollicitude de ceux qui le gouvernent et prétendent non le servir mais le protéger, sans que l’efficacité promise, ultime justification de ses errements soit jamais au rendez-vous. Chacun faisant appel au gouvernement, au procureur, aux sociétés de l’information pour interdire les opinions qui le blessent. Où chaque groupe se croit justifié de faire passer chacun pour son compte la nation au tourniquet des droits de créance.
Où gouvernement et Parlement ensemble prétendent, comme si la France n’avait pas dépassé la minorité légale, en bannir toute haine, oubliant qu’il est des haines justes et que la République s’est fondée sur la haine des tyrans. La liberté, c’est être révolté, blessé, au moins surpris par les opinions contraires.
Personne n’aimerait vivre dans un pays où des institutions généralement défaillantes dans leurs fonctions essentielles, celle de la représentation comme celle de l’action, se revancherait en nous disant quoi penser, comment parler et quand se taire. En un siècle d’histoire constitutionnelle, nous aurons vu se succéder le système des partis, le système de l’État, le système du néant. Je ne crois pas que Max Gallo ait souscrit à cette substitution du lapin de garenne au citoyen libre que nous prépare cette formule imbécile répétée à l’envi depuis vingt ans que la sécurité est la première des libertés. À cette aune, pas de pays plus libre sans doute que le royaume de Staline ou celui de Mussolini. Après Rocroi, après Valmy, après Bir-Hakeim, voici la sécurité comme la ceinture du même nom.
Comme le rêve de l’escargot. Max Gallo se souvenait que nos prédécesseurs avaient créé, maintenu, défendu le trésor de la liberté dans des époques autrement plus dangereuses que la nôtre. Il avait pressenti ce fléchissement de l’intelligence et de la volonté qui nous fait consentir à toutes les platitudes et l’on s’en va répétant que les temps sont difficiles. Mais les temps, comme Max Gallo nous l’a rappelé pendant un demi-siècle, sont toujours difficiles pour ceux qui n’aiment pas la liberté ».
Magnifique plaidoyer en faveur de la liberté et des libertés. Quatre réserves toutefois :
1- François Sureau reste l’ami et le proche de Macron fossoyeur des libertés. C’est contradictoire.
2- « La République s’est fondée sur l’ère des tyrans ». Ces tyrans n’étaient que des monarques absolus. Par contre, la République a bien engendré des tyrans, et Macron est le dernier de ces tyrans.
3- Les références à la République et à Valmy comme modèles ne sont pas parfaites et peuvent prêter à la critique.
4- Notre époque est bien l’une des plus dangereuses de notre histoire, sinon la plus dangereuse.
Jean Saunier, d’après Slobodan Despot, éditeur et écrivain suisse d’origine serbe, né en 1967.
09:26 | Tags : actualité, société, livre, opinions, religion, histoire, politique | Lien permanent | Commentaires (0)