Un récent guide inclusif, promu par la commissaire à l'Égalité de l'Union européenne, déconseillait de faire référence à Noël… Alors que l'âme de la civilisation occidentale se trouve menacée, il est urgent, à rebours de la haine des racines chrétiennes qui ont fait l'Europe, de redécouvrir le mystère de la nativité du Christ.
Par Père Danziec
Jésus, Marie, Joseph. L’image, par excellence, du foyer ardent et uni. Cette sainte famille – rejetée de tous, méprisée par la bien-pensance, pointée du doigt par les conformistes et réduite à l’isolement à l’extérieur de Bethléem – se trouve en mesure, une fois encore en ce Noël 2021, de réchauffer les cœurs abattus et de réconforter les âmes qui désespèrent. Telle a toujours été l’inattendue pédagogie de Dieu : laisser la liberté aux hommes de tomber bas, très bas même, jusqu’à ce qu’ils s’avilissent et fassent le mal, pour finalement confondre les superbes et les puissants par la médiation des petits et des sans-grades. Goliath vaincu par David. Le roi Hérode déconfit par le Divin Messie. Les hordes anglaises stoppées par une jeune fille en armure. Les lubies soixante-huitardes pleines de condescendance rattrapées par la patrouille de la réalité au point de ne plus faire florès.
Tant qu’il y aura des personnes pour s’agenouiller dans la crèche, prier le petit Jésus et puiser dans la mangeoire des forces pour mener un combat à la fois spirituel et culturel, la chrétienté et la France n’auront pas dit leur dernier mot.
À l’heure où notre socle civilisationnel craque de toutes parts, la célébration de la naissance du Christ fourbit des armes de lumière. La crèche représente une citadelle d’espérance pour notre civilisation en danger. En son sein réside une chaleur communicative propre à allumer les contre-feux nécessaires face à la décadence. Du coup d’État démographique aux réductions dramatiques de nos libertés, de la destruction de la famille à l’effondrement de l’école, de la remise en cause de nos traditions au “wokisme” qui cherche à revisiter nos coutumes, oui, nos permanences ont fait leur lit dans la paille de Bethléem. Revenir à la source n’est pas seulement une œuvre de piété, elle est une condition de notre continuité.
Qui, pourtant, il y a plus de deux mille ans, aurait parié sur cette pauvre étable misérable, ouverte aux quatre vents ? Dans cette crèche, c’est la fidélité qui domine et la confiance qui maintient. La transcendance, les miracles, les vertus. L’union de tous, des CSP+ et des classes populaires, la farandole des mages et des bergers, qui savent que quelque chose de plus grand qu’eux domine leur existence : Jésus-Christ, le Sauveur tant attendu. Celui qui nous sauve de nos ennemis et nous préserve des faux frères. Celui qui nous garde des dangers ou nous donne l’énergie pour les surmonter. Celui qui a vaincu la mort et qui nous rejoint dans nos pauvretés. Jésus, celui qui n’usait pas de cette maudite langue de buis qui étouffe l’authenticité de la foi et aseptise le message de l’Évangile.
Les progressistes de tout poil, aux périphéries du monde comme dans l’intérieur même de l’Église, voudraient nous voler notre joie. Noël ne serait pas assez inclusif. Le sapin avec ses guirlandes ? Un terrible danger pour l’avenir de la planète. Le foie gras ? Un crime contre la bienveillance animale. La crèche dans nos mairies ou nos magasins ? Une insulte à l’endroit de ceux qui ne croient pas. Les liturgies latines et grégoriennes, la messe traditionnelle de saint Pie V ? Un affreux retour en arrière. Pourtant Noël, c’est tout cela et bien plus encore. L’allégresse du 25 décembre se décline aussi dans le chant de l’ Adeste fideles ou celui des Anges dans nos campagnes . La messe de minuit à minuit pile et la procession à la crèche. Le bonheur qui contamine la nef lorsque le prêtre dépose l’Enfant Jésus dans la mangeoire. La compassion pour les jeunes enfants de chœur qui s’endorment sur leurs bancs. L’éclairage du sanctuaire à la bougie. Le chocolat chaud partagé sur le parvis. Les “Joyeux Noël !” distribués comme autant de tendresses dont tout le monde est assoiffé.
Noël nous invite, tous et chacun, à revisiter nos racines et à chanter la gloire de ce Jésus qui a mis le feu aux poudres de notre Rédemption. L’étoile des bergers a véritablement inauguré un monde nouveau. Un écosystème qui nous rappelle qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir, que la noblesse vaut mieux que la jouissance et que seul le pardon est capable de transfigurer nos désirs de vengeance. Un cadre évangélique enseignant que les choses ne valent que ce qu’elles coûtent, affirmant que si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu, et soulignant que Jésus, dès sa naissance, a mis sa peau au bout de son exemple.
Noël, dans ses scintillements et ses recueillements, fait prendre conscience, à ceux qui savent encore s’émerveiller, que le Divin Enfant a marqué le début d’une civilisation formidable et indépassable. Faite de héros et de saints. De courage et d’abnégation. De sacrifices et de prières. Une civilisation menacée qui reste à défendre, envers et contre tout. Pour nous-mêmes et notre avenir. Et, surtout, celui de nos enfants.
* Le père Danziec est prêtre et chroniqueur sur le Club VA.