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Histoire - Page 10

  • Le capitalisme a soumis le christianisme

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    "Il est essentiel de renouer avec la sagesse et la foi de nos ancêtres", explique Rod Dreher - journaliste pour le magazine "The American Conservative", s’est converti au catholicisme en 1993, puis à l’orthodoxie en 2006.

    ENTRETIEN. Après son best-seller le Pari bénédictin, l'essayiste conservateur américain Rod Dreher publie Comment retrouver le goût de Dieu dans un monde qui l'a chassé. Il y encourage le lecteur à redécouvrir le sens de l'émerveillement face à un matérialisme incapable de nourrir son besoin de transcendance.

    Valeurs actuelles. Dans votre livre, vous appelez les chrétiens à "retrouver le goût de Dieu". Pouvez-vous nous raconter votre histoire personnelle?

    Rod Dreher. J’ai grandi dans une famille méthodiste peu pratiquante, au cœur d’un village de Louisiane. Très jeune, j’ai perdu la foi. Je percevais alors le christianisme comme une sorte d’idéologie bourgeoise ou une religion réduite à ce que prêchaient les télévangélistes à la télévision. Un tournant décisif s’est produit en 1984, lorsque ma mère a obtenu une bourse pour partir en voyage à Paris. Elle savait que j’étais passionné par la culture française et m’a offert cette opportunité. Au cours de ce séjour, je me suis rendu à Chartres pour visiter la cathédrale. Ce fut une expérience bouleversante : un profond sentiment de plénitude m’a envahi. J’ai soudain compris que le monde entier était porteur de sens. Mieux encore, j’ai ressenti avec force la présence de Dieu et cette certitude qu’Il me voulait, moi, en particulier.

    Je ne suis pas ressorti de la cathédrale en tant que chrétien, mais avec une détermination nouvelle à rechercher Dieu. De retour aux États-Unis, j’ai étudié la philosophie et la théologie, mais cette quête spirituelle s’accompagnait d’une lutte intérieure intense. Plus tard, alors que je travaillais comme jeune journaliste, j’ai eu l’occasion d’interviewer un vieux prêtre catholique. Il m’a raconté deux miracles qui avaient bouleversé sa vie. La force de sa foi et la sincérité de son témoignage m’ont profondément marqué. Ce fut l’élément déclencheur: j’ai compris qu’il était temps pour moi d’arrêter de fuir Dieu et d’embrasser pleinement la foi chrétienne.

    Vous expliquez que l’Occident est "désenchanté". Que voulez-vous dire?

    Au Moyen Âge, la société percevait la présence de Dieu comme une plénitude qui donnait une cohérence globale au monde. Ce sentiment a commencé à être remis en question à partir de la Renaissance. Dès le XVIe siècle, avec la révolution scientifique et la Réforme protestante, le monde spirituel et le monde matériel ont été progressivement dissociés. Dans son livre Homo deus, Yuval Noah Harari explique que les hommes ont "abandonné le sens en échange du pouvoir". Si le monde matériel perd toute signification, alors tout devient possible. La révolution industrielle, les Lumières et le marxisme ont renforcé ce sentiment d’indépendance vis-à-vis de Dieu.

    Aujourd’hui, les Occidentaux se sentent libres de choisir leur style de vie, leur sexualité ou encore leur genre. Paradoxalement, le mal-être persiste. Les avancées technologiques et la sophistication de nos sociétés ont, certes, rendu le monde plus confortable, mais elles nous ont fait perdre, dans une certaine mesure, le contact avec le sens profond de la réalité. Ces progrès se sont parfois faits au prix de notre âme.

    Rod Dreher, journaliste pour le magazine "The American Conservative", s'est converti au catholicisme en 1993, puis à l'orthodoxie en 2006. "J'ai compris qu'il était temps pour moi d'arrêter de fuir Dieu."

    Vous évoquez "la gravité de la crise qui frappe toutes les Églises" et "la culture du chaos permanent". Quelle est cette crise et pourquoi est-elle si grave?

    Le sociologue Zygmunt Bauman parle de " société liquide " pour décrire l’état de flux constant et d’instabilité dans lequel nous vivons. Cette dynamique est difficile à appréhender pour les Églises. Beaucoup d’entre elles ont perdu le sens du mysticisme et du sacré, préférant enseigner qu’il suffit d’être gentil et affable. D’autres se transforment en simples groupes d’actions politiques, où les prières ne sont qu’un ajout superficiel. Dans ce contexte, le sens de la transcendance a disparu.

    Le critique social Philipp Rieff explique qu’au XXème siècle, nous avons perdu la conviction qu’une autorité transcendante guidait nos comportements et l’organisation de nos sociétés. Bien qu’il soit athée, Rieff montre que toutes les civilisations se sont historiquement construites autour de cette notion de transcendance. Or, l’Occident est la première civilisation à l’avoir évacuée. Selon Rieff, l’absence de transcendance nous pousse à adopter une spiritualité dite " thérapeutique ", centrée sur la gestion de l’anxiété et du vide existentiel. C’est ce que j’appelle le "déisme moraliste thérapeutique", une doctrine qui réduit Dieu à une entité que l’on sollicite uniquement pour régler nos problèmes personnels.

    Un sociologue américain m’a confié qu’on ne pourra pas ramener les jeunes au catholicisme en se contentant de leur enseigner une simple morale. Ce n’est pas suffisant pour donner du sens à leur vie. Le ré-enchantement chrétien est, selon moi, le seul moyen de raviver la foi dans les cœurs de l’Occident post-chrétien. Par mon livre, je souhaite préparer les lecteurs à vivre une expérience spirituelle comparable à celle que j’ai vécue à Chartres. Il n’existe pas de formule magique pour atteindre ce ré-enchantement, mais il est essentiel de se préparer spirituellement afin d’être réceptif aux signes de Dieu et de mettre en pratique son message.

    En écrivant ce livre, j’avais en tête le personnage principal du roman Soumission de Michel Houellebecq. François, le protagoniste, vit une expérience mystique à Rocamadour mais la rejette. De retour à Paris, il se convertit à l’islam. Il a manqué de courage et n’a pas osé faire le saut de la foi. Beaucoup disent qu’ils croiront s’ils reçoivent un signe, mais ce n’est pas toujours vrai. Même si un signe se présente, il faut encore avoir le courage de l’accueillir et cela exige une préparation spirituelle.

    Vous dites que "la peur d’être considéré comme non progressiste est un outil puissant que le mal spirituel utilise pour désarmer les gens". Que voulez-vous dire ?

    La guerre spirituelle est bien réelle. J’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises avec des exorcistes et des personnes ayant elles-mêmes été exorcisées, ces réalités ne peuvent pas être niées. Pourtant, aujourd’hui, affirmer croire à l’existence des démons suscite souvent des moqueries et l’image de la superstition. Beaucoup de gens ne prennent aucune précaution face au mal spirituel. Pire encore, certains s’amusent avec l’occultisme. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, ces pratiques connaissent un regain de popularité, notamment chez les jeunes. (…)

    Face à la domination croissante de la technologie et de l’intelligence artificielle, quel est le danger selon vous?

    Le danger réside dans le risque de considérer l’intelligence artificielle comme une sorte de divinité. L’IA détiendra bientôt davantage de connaissances que n’importe quel être humain et pourra même donner des conseils sur nos choix de vie. Il y a un véritable danger à lui accorder ce pouvoir et à lui laisser déterminer comment nous devons vivre. En faisant cela, nous risquons de fusionner l’humanité avec la machine et, ce faisant, de perdre notre humanité même.

    De plus, certaines personnes dans la Silicon Valley, bien qu’elles ne soient pas chrétiennes, croient que l’IA est une forme de communication venant d’intelligences supérieures, qui utiliseraient cette technologie pour nous influencer. Ils voient cela comme une chose positive. D’autres, en revanche, pensant que cette influence pourrait être démoniaque.

    Il y a deux semaines, j’ai échangé par téléphone avec un industriel très influent de la Silicon Valley, aujourd’hui converti au christianisme. Il m’a fait part de son inquiétude grandissante. Il m’a confié que les pratiques occultes étaient omniprésentes dans la Silicon Valley.

    Il m’a dit: "j’ai peur qu’en contribuant au développement de l’IA, j’aide à renforcer l’occultisme". Si une personne ordinaire faisait une telle déclaration, on pourrait facilement ne pas la prendre au sérieux. Mais cet homme est très puissant dans la Silicon Valley, et il parle en connaissance de cause. Nous devons accorder de l’attention à ses avertissements.

    Pourquoi affirmez-vous que "le capitalisme a soumis le christianisme"?

    Le capitalisme a profondément transformé la culture, et cela à une vitesse fulgurante. Il constitue l’une des forces à l’origine de ce que le sociologue Zygmunt Bauman appelle "la modernité liquide", où toutes les traditions se dissolvent à mesure que l’économie s’accélère. Aujourd’hui, le capitalisme nous inculque une logique consumériste que beaucoup appliquent même à la religion. Par exemple, certains catholiques adoptent une attitude de "consommateurs spirituels", gardant ce qu’ils veulent du christianisme tout en y ajoutant des éléments empruntés au bouddhisme ou à d’autres courants spirituels. Cela conduit à une forme de syncrétisme.

    Dans une société capitaliste, l’individu qui choisit librement ce qui lui convient devient le modèle de l’humanité. Or, cette mentalité est incompatible avec le christianisme. Malheureusement, beaucoup de personnes, formées par cette culture du libre choix, en viennent à aborder leur foi comme un marché spirituel où chacun prend ce qui le satisfait le plus.

    Vous affirmez que la maladie de l’Occident moderne vient du fait que nous sommes coupés de la source de l’enchantement. Comment pouvons-nous y revenir?

    Il est essentiel de commencer par un changement d’état d’esprit. L’Occident se distingue du reste du monde par sa tendance à ne pas croire en une dimension spirituelle. Cette singularité occidentale doit être comprise pour que l’on puisse commencer à remettre en question les fondements du matérialisme et redécouvrir ainsi le sacré. Pour cela, il faut davantage d’attention aux choses de Dieu et de l’Église, notamment par la vie de prière.

    Pour les chrétiens, la liturgie est le sommet de cette vie spirituelle. Dans les traditions catholique et orthodoxe, ce sommet est la présence réelle de Jésus dans l’Eucharistie, qui permet une communion profonde avec Dieu. La fidélité à la liturgie affine notre perception spirituelle et nous rend plus lucides face à la réalité divine.

    L’Église orthodoxe enseigne que la prière, le jeûne et les actes de charité nous rapprochent de Dieu, apportant une vérité et une clarté mentales et spirituelles. Cette idée est aussi présente dans la tradition catholique. Un exemple emblématique est la Divine Comédie, de Dante, qui illustre ce cheminement spirituel vers la vérité et l’union avec Dieu.

    JD Vance, vice-président des États-Unis, s’est converti au catholicisme en 2019. Quel rôle avez-vous joué dans sa conversion ?

    JD Vance a grandi dans le protestantisme mais n’était pas un pratiquant assidu. Nous sommes devenus amis en 2016, et deux ans plus tard, il m’a confié qu’il souhaitait devenir catholique. Je lui ai alors demandé pourquoi il ne considérait pas plutôt la foi orthodoxe. Il a répondu sans hésiter: "Non, je veux être catholique". Son choix était influencé par les intellectuels qu’il admirait le plus, qui étaient catholiques.

    Pour l’accompagner dans cette démarche, je l’ai mis en contact avec un prêtre dominicain à Washington, qui avait étudié à la même faculté de droit de Yale que JD. Ce prêtre lui a donné des cours de catéchisme. Je suis très heureux que JD fasse désormais partie de l’Église et qu’il ait trouvé le Christ. Avoir un intellectuel catholique sincère haut placé en politique est précieux aujourd’hui, et je pense que cela le sera encore davantage à l’avenir.

    Peut-on observer un retour du catholicisme chez les conservateurs américains?

    Oui, on constate que les Américains les plus sérieux sur le plan intellectuel se tournent vers le catholicisme ou l’orthodoxie. Ce n’est pas que le protestantisme manque de penseurs brillants, mais les jeunes intellectuels américains recherchent des racines solides face au monde qui change si rapidement. Ils aspirent à s’ancrer dans une histoire, une théologie et une liturgie riches. Une fois cette prise de conscience faite, ils réalisent que les deux options qui répondent à ce besoin sont le catholicisme et l’orthodoxie.

    Quel message principal souhaitez-vous transmettre au lecteur pour l’aider à retrouver le goût de Dieu?

    L’enseignement essentiel que je souhaite transmettre est que les chrétiens du Moyen Âge avaient une compréhension du monde spirituel que nous avons perdue aujourd’hui et qu’il est urgent de la redécouvrir. Certes, ils n’avaient ni la science ni la technologie modernes, leur existence était souvent marquée par la pauvreté, mais ils étaient spirituellement riches. Je ne prône pas un rejet des avancées scientifiques ou technologiques – il serait absurde de vouloir revenir en arrière -, mais je crois qu’il est essentiel de renouer avec la sagesse et la foi de nos ancêtres. Ils comprenaient que le monde spirituel est réel et qu’il est accessible par l’intermédiaire de l’Église.

    Un professeur catholique de Washington m’a récemment expliqué que les chrétiens du Moyen Âge étaient paradoxalement mieux préparés que nous à affronter les défis du monde moderne, notamment ceux liés à l’intelligence artificielle. Il m’a dit : "Ces chrétiens savaient qu’ils évoluaient dans un monde habité par des intelligences désincarnées – anges, démons – et qu’il était crucial de se protéger spirituellement. "

    De la même manière, l’intelligence artificielle, bien que ni démon ni dieu, risque d’être perçue comme une entité supérieure en raison de son intelligence et de son apparente omniscience. Dans ce contexte, les repères spirituels du Moyen Âge peuvent nous offrir des clés précieuses pour éviter les dérives. Se réenchanter dans une perspective chrétienne consiste à renouer avec cette vision plus large et plus intégrée à la réalité.

    "Comment retrouver le goût de Dieu dans un monde qui l’a chassé"

    de Rod Dreher, Artège, 288 pages, 19,90 €.

    Par Bertille Vaur – Valeurs Actuelles

     

    P.S.: aucune apologétique, juste de l'information se rapportant, aussi, à l'actualité

  • Nous sommes en situation pré-révolutionnaire

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    Je viens de lire, au chapitre 13 du quatrième livre des "Mémoires d’outre-tombe" de Chateaubriand, le texte suivant que je soumets à votre réflexion:

    "A cette époque, tout était dérangé dans les esprits et dans les mœurs, symptôme d’une révolution prochaine. Les magistrats rougissaient de porter la robe et tournaient en moquerie la gravité de leurs pères. Les Lamoignon, les Molé, les Séguier, les d’Aguesseau voulaient combattre et ne voulaient plus juger. Les présidentes, cessant d’être de vénérables mère de famille, sortaient de leurs sombres hôtels pour devenir femmes à brillantes aventures. Le prêtre, en chaire, évitait le nom de Jésus-Christ et ne parlait que du législateur des chrétiens ; les ministres tombaient les uns sur les autres ; le pouvoir glissait de toutes les mains. Le suprême bon ton était d’être américain à la ville, anglais à la cour, prussien à l’armée, d’être tout excepté d’être français. Ce que l’on faisait, ce que l’on disait, n’était qu’une suite d’inconséquences. On prétendait garder des abbés commendataires, et l’on ne voulait point de religion, nul ne pouvait être officier s’il n’était gentilhomme, et l’on déblatérait contre la noblesse, on introduisait l’égalité dans les salons et les coups de bâtons dans les camps"

    Cette relation pré-révolutionnaire ressemble à la situation que vit l’Occident en général et la France en particulier. La révolution de 1789 devait suivre ces désordres qui portait l’Empire avec lequel l’ordre de la nation fut la résultante des heures de barbarie suivies par la dictature napoléonienne.

    L’Histoire bégaie, dit-on. Nous sommes en situation pré-révolutionnaire.

    Le wokisme est assimilable au comportement des bobos qui perdent tout repère moral, l’islamisme qui devient la religion dominante au dépens du christianisme, qui est rejeté comme trop à droite et incompatible avec la nouvelle religion et le wokisme. L’autorité judiciaire qui se prend à légiférer en lieu et place du Parlement qui devient une chambre inaudible, et les abandons dans tous les sens qui font craindre le pire avec la guerre qui menace un peu partout dans le monde.

    Nous sommes confrontés à un bis repetita si l’Occident ne réagit pas comme le fait le président Trump dans l’intérêt égoïste des États-Unis.

    Guy Sebag

     

    P.S.: Je laisse la responsabilité de ses dires à l'auteur (NDLaR)

  • La dérive nazie des juges français!

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    Osons le dire, le jugement dans l’affaire Le Pen et plus encore les positions prises dans la foulée sont les signes d’une authentique dérive nazie des juges français et de leur environnement. Prouvons-le ici autour de quatre réalités du droit nazi et des ressemblances plus que troublantes de la pratique de certains juges et politiques de notre pays.

    Les nazis imposaient la loi du silence, les juges n’avaient de compte à rendre à personne, ils persécutaient leurs victimes sans appel possible et ils détournaient le droit par leurs intentions politiques au service du régime.

    Malheureusement, nous allons voir ici que Marine Le Pen est confrontée à cette inquiétante dérive. Et comme nous sommes rigoureux, nous nous appuyons sur deux brillants articles scientifiques. Le concept du droit dans le national-socialisme de Luc J. Wintgens, doyen de la faculté de droit de l’université catholique de Bruxelles, publié en 1991 et Défendre la forme du droit. Regards contemporains sur le droit nazi de Guillaume Richard, professeur d’histoire du droit à l’université Paris Descartes, membre de l’Institut d’histoire du droit publié en 2018, sans oublier l’œuvre considérable de Michael Stolleis publié à Munich en 1999 ou les articles d’Olivier Jouanjan, professeur de droit à l’université Panthéon Sorbonne, dont Prendre le discours juridique nazi au sérieux, publié en 2013.

    Soyons sérieux, ce n’est pas une polémique, c’est l’appel à une urgente réforme de la justice en France pour que l’esprit des lois et la tripartition du pouvoir de Montesquieu, fondement des démocraties, soit respectés par tous, les juges au premier chef, sans ce dévoiement auquel participent des politiques éminents. Quand le droit devient l’anti-droit, quand l’équité devient l’iniquité, le droit démocratique se transforme insidieusement en droit nazi, l’histoire l’a déjà montré. Cela s’appelle une subversion idéologique.

    LA TYRANNIE DU SILENCE ET L’OBLIGATION DE SE TAIRE

    Le premier renversement des valeurs du droit à l’anti-droit, c’est l’obligation de se taire et l’exigence d’imposer la tyrannie du silence. Le magistrat juge et il n’y a plus rien à dire. Si le député, législateur, ne doit pas commenter la décision du juge, comme ce dernier ne doit pas commenter l’action du législateur et si le haut fonctionnaire doit exécuter les lois dans ses actes d’administration, ces réserves ne s’imposent pas au peuple souverain. Lui est libre de jugement, de critique, libre de sa liberté d’expression. Or, il est intolérable de voir que l’appareil politico-judiciaire est solidaire pour faire taire et interdire l’expression d’un désaccord. C’est évidemment le signe d’un régime juridique totalitaire

    Cette tyrannie du silence interdit au justiciable, victime de l’injustice, de se plaindre et d’user de ses droits politiques pour contester. Or, le climat que font régner les juges et leurs représentants ces jours derniers à l’Assemblée et dans les médias démontre leur filiation avec les pratiques héritées des nazis et qui ont traversé les décennies. Se taire, car le jugement et le juge ne sont pas discutables ou contestables. Mais l’argument est fallacieux. Quand on nous dit depuis lundi que la justice est un pilier de la démocratie, c’est pour interdire le débat démocratique sur la décision de justice. Merveilleux! Le procédé révèle toute la perversité du raisonnement. Le juge n’est pas objet de discussion, c’est la démocratie de l’obligation à se taire. Tiens donc!

    Cette attitude contredit totalement les principes fondateurs de toute démocratie et c’est un abus de pouvoir que de prétexter de la séparation des pouvoirs pour nous dire: taisez-vous. Cette séparation ne s’applique en aucun cas au citoyen souverain et celui-ci, ainsi que les politiques, peuvent en toute liberté s’interroger, critiquer, alerter. Là est le premier trait de ressemblance, le plus inquiétant pour les libertés fondamentales: penser, exprimer, critiquer qui sont remises en cause par des juges tyrans, refusant le dialogue démocratique sur leur pratique.

    L’IRRESPONSABILITE DES JUGES ET L’INTERDICTION D’ENVISAGER DE RENDRE DES COMPTES

    Le juge est-il responsable? Les spécialistes du nazisme savent bien, depuis le procès Eichmann et les recherches de H. Arendt, que l’organisation nazie mettait en avant l’irresponsabilité de ses membres. Or, qu’est-ce qu’être responsable? Le premier sens de ce mot, c’est rendre des comptes à une autorité. Or, second signe très inquiétant, les juges, leurs syndicats et leur conseil ne cessent de proclamer depuis lundi leur indépendance pour refuser de rendre des comptes à quiconque. Leur liberté serait totale. C’est le signe même de l’abus de pouvoir. Ils ne sont liés à rien, à personne disent-ils. C’est le signe d’une dérive nazie, quand les pratiques s’imposent, le juge n’ayant rien à expliquer de ce qu’il fait. Le ver est dans le fruit depuis longtemps déjà: héritage quand tu nous tiens!

    Les nazis faisaient valoir que le droit nazi était l’incarnation de la justice absolue et que rien ni personne ne pouvait contester la loi et le jugement. Il conduisait à l’obéissance absolue, c’est-à-dire à la soumission. Or, le juge qui ne rend pas compte et qui impose son jugement ne tolère pas la critique, cherche à discipliner toute la population. L’actualité depuis lundi démontre point par point que toute l’institution judiciaire a pris le mauvais pli d’intimer l’obéissance absolue. Et des partis politiques, qui ne s’honorent pas, ont utilisé la tribune de l’Assemblée nationale pour tenter de soumettre les autres députés à cette obéissance inconditionnelle. Ces mêmes partis furent ceux qui, complaisamment, soutinrent le régime de Vichy: étonnante ironie de l’histoire.

    Et ces historiens montrent que le droit nazi se substituait à la morale, qu’il était la morale, car il n’y avait pas de morale en dehors du droit et de l’idéologie nazie qui l’animait. Or, Le Pen est bien la victime d’un jugement idéologique de part en part, jugée à partir de jugements moraux qui viennent légitimer la décision. " Le droit est moralement bon " est un propos du droit nazi; car il confond le droit et la morale. Là aussi, nous y sommes. Et les écrits de la présidente sont très inquiétant, car ils l’assument, sans contestation.

    LA PERSECUTION DU JUSTICIABLE ET L’IMPOSSIBILITE DE SE PLAINDRE PAR L’APPEL

    Le troisième élément très inquiétant, c’est l’application de l’exécution provisoire. Tout a été dit. Mais cette notion est criminelle; car elle suspend les droits de la défense, elle n’enregistre pas la plainte du justiciable. Tu es jugé et exécuté. Au diable l’appel, puisque le premier juge a raison en toute circonstance et que personne ne viendra le déjuger. En refusant de rendre des comptes, le juge de première instance ne se soumet pas au jugement en appel d’autres juges qui pourraient interroger son jugement. L’exécution provisoire est un concept néo-nazi inouï puisqu’il libère le juge de rendre des comptes de son jugement en appel. Il dénie au justiciable de pouvoir faire valoir sa plainte. Dans le cas qui nous préoccupe, l’exécution provisoire a un caractère irréversible dans ses conséquences, tant pour le justiciable que par ses conséquences sur les droits du peuple souverain. Là, le juge est totalement responsable d’un tel abus de pouvoir. Il commet une violence publique de type terroriste, car il détourne le droit, il prend en otage le justiciable et le peuple, pour imposer sa vue. C’est un acte de tyrannie, pas un acte de justice.

    Et le droit nazi pratiquait de la sorte. L’exécution provisoire s’inspire de la "détention préventive" (schutzhaft) des nazis. L’arrestation sans contrôle judiciaire n’a-t-elle pas été autorisée dans ce pays il y a quelques années? Des personnes n’ont-elles pas été enfermées préventivement à toute infraction? Le droit nazi a été déjà pratiqué en France lors des derniers mouvement sociaux. Et dans l’affaire Le Pen, l’exécution provisoire est bien plus qu’un enfermement; c’est un bannissement des droits civiques par l’application immédiate d’une autre escroquerie: l’inéligibilité. La privation des droits civiques, est-ce utile de le rappeler, a été une des caractéristiques du droit nazi. Or, c’est ce que nous pratiquons ici. Le Pen n’est plus une citoyenne comme les autres. Elle n’a plus les mêmes droits fondamentaux. Folie.

    L’INTENTION POLITIQUE DU JUGE ET SON DETOURNEMENT DE L’ESPRIT DU DROIT

    Le juriste militant impose ses valeurs et il exclut les autres pour dominer l’appareil judiciaire à des fins politiques. Les juges nazis étaient eux aussi des révolutionnaires et des modernes qui voulaient bouleverser le droit, parce que ce dernier devait être au service d’une cause politique.  C’est l’idéologisation du droit dont parle L.J. Wintgens. C’est exactement le propos du syndicat de la magistrature. Le juge œuvre au nom d’idéaux politiques. Le droit est un instrument au service d’une ambition de transformation de la société.

    Le droit nazi mettait aussi en avant l’appartenance à la communauté qui prévalait sur tout. En être ou ne pas en être. Il en est de même dans ce jugement qui juge des positions politiques en les excluant de la communauté politique acceptable. Le procédé communautaire légitime alors un jugement contre un justiciable considéré comme non-membre de la communauté. Le trouble à l’ordre public de la candidature est typique de ce réflexe communautariste qui prime le pluralisme politique. Elle n’est pas des nôtres et à ce titre, elle est déjà coupable. Il existe, comme chez les nazis, une " communauté authentique". À cet égard, les politiques et leurs arcs républicains participent bien du même procédé d’exclusion; en désignant à la vindicte populaire, voire judiciaire, des personnes, des idées ou des mouvements comme en dehors de la communauté.

    De même, la juxtaposition des mesures, en perdant le sens de la hiérarchie, des normes et des principes est un signe manifeste de la nazification du droit et de la pratique judiciaire. Elle permet de détruire le sens des valeurs supérieures, voire de les inverser. C’est la fin de la hiérarchie des règles. Or, c’est exactement le cas de l’exécution provisoire, mesure technique qui vient fracasser le droit de la défense, la présomption d’innocence et le droit absolu de contester la première juridiction par l’appel en deuxième instance. Comment activer une telle mesure sans comprendre qu’elle bafoue la défense, et dans ce cas d’espèce, interfère avec la liberté absolue du peuple souverain d’élire qui bon lui semble? L’inéligibilité est, elle aussi, d’essence nazie, en inversant la hiérarchie des principes de droit.  À cet égard, les historiens montrent bien que le juge se libère des contraintes juridiques qui s’imposeraient à lui, en prétextant de mesures possibles, pour les retourner contre les principes qui en limitent ou interdisent l’usage. Le juriste B. Rüthers écrit: "Une norme juridique obligatoire était mise hors-jeu par le tribunal sans égard à la volonté du législateur historique ou actuel. " C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. On s’autorise d’inverser les principes.

    Enfin, l’insécurité terminologique, soit le retournement des faits dans une nouvelle analyse qui en transforme radicalement la perception et la signification. C’est d’ailleurs le centre de ce procès où des personnes travaillant pour des députés européens à partir de budgets alloués à ces députés devient un délit, car certains s’arrogent le droit de juger des tâches pour lesquelles ces assistants sont rémunérés. Là où antérieurement personne ne se plaint, tout à coup, l’institution judiciaire transforme la compréhension de ces réalités afin de poursuivre certains plus que d’autres. Le droit devient arbitraire. Or, la tendance nazie émane aussi du législateur; et c’est très inquiétant. L.J. Wintgens parle d’une technique de subversion des concepts juridiques par des " concepts vagues ou généraux". Ces mots creux introduisaient toute l’idéologie désirée, sans objection possible, car le flou faisait exploser de l’intérieur la valeur du droit. Nous y sommes avec des expressions comme " l’aide à mourir ", digne héritière à tous égard de l’eugénisme nazi. Et le terme d’exécution provisoire est un non-sens, car exécuter c’est faire, et la plupart du temps, l’action est irréversible dans ses conséquences, en rien provisoire. Le terme est nazi par construction. L’oxymore, arme préférée des régimes totalitaires. Le temps de l’exécution n’a rien de provisoire. Et punir à tort quelqu’un expose-t-il le juge irresponsable à rendre compte du préjudice? Non. Et le peuple l’a bien ressenti lundi d’où la révolte.

    CONCLUSIONS

    Le droit nazi entraînait une conversion plus ou moins forcée des juges à la cause politique. Le jugement de Le Pen exprime clairement des avis politiques pour fonder sa décision. Idem donc. Ce droit nazi retournait des concepts juridiques pour leur faire dire autre chose. Ces inversions sont omniprésentes dans ce jugement et dans les pratiques actuelles de nombreux magistrats qui renversent intentionnellement les valeurs premières du droit. La victime est coupable, comme à Crépol! Enfin, on parle de la perversion du droit nazi, car il déterminait une norme de justice radicalement toxique, conduisant à des jugements contraires au sens commun et à la morale la plus élémentaire. Est-il utile de préciser? Or, condamner des innocents, poursuivre ceux qui défendent la veuve et l’orphelin, ne pas punir par mille prétextes des violeurs, des trafiquants, des criminels; c’est évidemment faire l’apologie d’un régime de violence politique, contre les populations.

    N’était-ce pas là le signe le plus manifeste du droit nazi qui transpire depuis quelques décennies dans le droit français contemporain, digne héritier de son passé d’occupation? La dénazification n’a pas eu lieu, comme le disent les auteurs que je citais en introduction. Le droit et les esprits en France ont entretenu des pratiques où le juge est complice de la barbarie et d’un racisme latent. C’est l’avènement d’un "droit monstrueux".

    Nous y sommes bien. Là est le scandale.

    Pierre-Antoine Pontoizeau

     

    P.S.: Je laisse la responsabilité de ses dires à l'auteur (NDLaR)