Le choix du Soldat inconnu de 14-18
Le 10 novembre 1920, deux ans après la fin de la Première Guerre mondiale, un jeune soldat français nommé Auguste Thin, âgé de 21 ans, appartenant au 132ᵉ régiment d’infanterie, fut désigné pour accomplir un geste hautement symbolique: choisir le cercueil du Soldat inconnu qui reposerait sous l’Arc de Triomphe à Paris.
HUIT CERCUEILS AVAIENT ETE RASSEMBLES DANS LA CITADELLE DE VERDUN.
Chacun contenait le corps d’un soldat français non identifié, tombé sur un des grands champs de bataille de la guerre: la Somme, l’Aisne, la Marne, la Meuse, l’Artois, la Flandre, la Champagne et la Lorraine. Ces huit régions représentaient toutes les armées françaises du front.
Auguste Thin, fils d’un combattant mort pour la France, fut choisi pour représenter tous les anciens combattants. En entrant dans la crypte, il déposa un bouquet de fleurs sur l’un des cercueils — le sixième en partant de la droite — en disant simplement :
"Le soldat que je désigne est le Soldat inconnu".
Ce cercueil devint celui du Soldat inconnu de la Grande Guerre, représentant tous les soldats morts pour la France sans sépulture ni nom.
Le 11 novembre 1920, il fut transporté à Paris et placé sous l’Arc de Triomphe, où brûle depuis 1923 la flamme du Souvenir.
JOURNAL D’AUGUSTE THIN — VERDUN, 10 NOVEMBRE 1920
Aujourd’hui, on m’a confié une mission que je n’oublierai jamais.
Je m’appelle Auguste Thin, soldat du 132ᵉ régiment d’infanterie. J’ai vingt et un ans, et je porte encore au cœur les cicatrices de la guerre. Mon père est tombé au combat, comme tant d’autres.
Moi, j’ai eu la chance d’en revenir… et aujourd’hui, je représente tous mes camarades de l’armée française.
Dans la citadelle de Verdun, huit cercueils sont alignés. Chacun contient un soldat inconnu, tombé pour la France sur un champ de bataille différent: la Marne, la Somme, l’Aisne, l’Artois, la Champagne, la Meuse, la Flandre et la Lorraine. Huit destins anonymes, huit frères d’armes dont on ne saura jamais le nom.
Le ministre m’a remis un bouquet de fleurs. Il m’a dit:
"Choisissez celui qui reposera sous l’Arc de Triomphe".
Je suis resté un instant immobile. Devant moi, ces cercueils semblaient dormir dans un même silence. Comment choisir entre eux? Chacun d’eux a versé son sang pour la patrie.
Alors j’ai pensé à mon père, au 6ᵉ corps d’armée auquel j’appartiens. J’ai compté: un, deux, trois, quatre, cinq… le sixième cercueil.
Je me suis arrêté.
J’ai déposé doucement les fleurs sur le bois clair, en murmurant :
" VOILA, C’EST TOI".
Ce soldat, je ne sais ni son nom, ni son grade, ni son visage. Mais je sais qu’il représente tous ceux qui dorment encore sous la terre de France. Demain, il partira pour Paris, sous l’Arc de Triomphe, pour veiller sur eux tous, pour veiller sur nous.
Et moi, Auguste Thin, simple soldat, j’aurai eu l’honneur de le choisir.