Les mesures anti-ouvrières prises sous l’influence des initiés ne tardent pas à porter leurs fruits.
La loi Le Chapelier, promulguée le 14 juin 1791, supprime les corporations. Plusieurs requêtes ne peuvent décider les gouvernements de l’époque à rapporter cette loi: les vœux des conseils généraux de l’an IX (23 septembre 1800-22 septembre 1821), le ministre de l’Intérieur Montalivet en 1811, le mémoire de l’avocat Levacher-Duplessis présenté à la chambre de commerce le 16 septembre 1817.
À Lyon, en septembre 1831, les salaires des canuts s’effondrent à 15/25 sous, alors qu’ils étaient de 4 à 6 f. sous l’Empire. Les prud’hommes et le préfet leur accordent un nouveau tarif, les 11 et 25 octobre 1831. 104 industriels sur 1400 refusent l’accord. Le ministre du Commerce annule la mesure. Le 21 novembre, 60 000 ouvriers se mettent en grève et s’emparent de la ville. Le maréchal Soult rétablit l’ordre avec 20 000 hommes. Le gouvernement de Louis-Philippe révoque le préfet, coupable d’avoir enfreint la loi Le Chapelier.
En Angleterre, les mêmes causes produisent les mêmes effets. La classe bourgeoise anglaise se montre impitoyable. En 1834, la "Loi des pauvres" supprime les secours traditionnellement apportés par les paroisses. Désormais, les indigents doivent entrer au work-house de la région, sorte de prison où l’on travaille de force, ou bien trouver un emploi dans une usine. L’augmentation du nombre de la main-d’œuvre a pour résultat de faire baisser les salaires dont le montant est déterminé par la loi de l’offre et de la demande.
Les initiés, responsables de cette situation, n’ont aucun mal à endoctriner le peuple. Ils lui présentent le collectivisme comme le seul remède à leur misérable condition. De nombreux maçons se font les apôtres du socialisme. On peut les découvrir en feuilletant le Dictionnaire de la franc-maçonnerie, le Ligou. Quelques exemples.
Pierre Leroux (1797-1871): "Philosophe, journaliste et écrivain socialiste, typographe, membre de la Constituante de 1848, puis de la Législative. Membre de la Loge des Droits de l’Homme, Orient de Grasse".
Louis-Auguste Blanqui (1805-1881), théoricien socialiste: "membre des Amis de la Vérité dans les années 1830, et du Temple des Amis de l’Honneur français en 1842".
Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), le père du socialisme français, ami puis adversaire de Marx, " initié non sans avoir longtemps hésité, le 8 janvier 1847, à la loge bisontine Spucar… Son initiation est surtout célèbre par le fait que Proudhon, à la troisième question d’ordre (Devoirs de l’Homme envers Dieu) répondit: – La guerre … "
Dans De la justice dans la Révolution et dans l’Église, écrit en 1858, Proudhon écrivait: " L’anti-théisme n’est pas l’athéisme: le temps viendra où la connaissance des lois de l’âme humaine, des principes de la Justice et de la Raison, justifiera cette distinction, aussi profonde qu’elle paraît puérile".
Proudhon s’exclamait encore: " Nous atteignons la Connaissance malgré lui (Dieu), nous nous procurons le bien-être malgré lui, nous arrivons à la société malgré lui encore. Chaque pas en avant est une victoire où nous l’emportons sur le divin".
Ceci confirme l’interprétation du mythe du Fils de la Veuve. Ce mythe, véritable parabole, transmet une tradition religieuse secrète, à laquelle était associé à l’origine un culte initiatique. Ce récit symbolique décrypté révèle une religion dualiste opposant un " dieu mauvais "trine, auteur du Déluge, à un "dieu bon", apparemment trine lui aussi, de type prométhéen.
La religion du Fils de la Veuve repose sur le même fond de traditions que la Bible, mais les valeurs y sont inversées, Yahvé et le dieu chrétien y apparaissent sous les traits d’un tyran jaloux et impitoyable.
Louis Blanc (1811-1882): "Militant républicain, puis socialiste, membre du gouvernement provisoire de 1848, député de Paris en 1871, puis sénateur. Il fut initié en exil, à la loge Les Sectateurs de Ménès, à l’Orient de Londres, en 1854, date à laquelle il fut installé comme 93e du rite de Memphis et Orateur du Souverain Conseil de ce grade".
Michel Bakounine (1814-1876): "Le prince M. Bakounine, anarchiste russe, né le 8 mai 1814, fut élevé par un père franc-maçon, aristocrate libéral, qui se flattait d’avoir assisté à la prise de la Bastille… fut reçu maçon en 1845… On sait qu’en Italie, il s’affilia à la loge Il Progresso sociale.
Bakounine appartient à la Fraternité internationale. Il est l’auteur d’un catéchisme de la franc-maçonnerie moderne… "
Arrivé à Paris en 1844, "il y fréquenta Lamennais, George Sand, Michelet, Nicolas Herzon, le frère Louis Blanc… En 1848, c’est la Révolution. Ce colosse (il mesurait plus de deux mètres) séduit par le socialisme fédéraliste du franc-maçon Proudhon intervint dans la lutte, prêcha l’égalité des salaires, combattit l’exploitation de l’homme par l’homme…
Plus tard, il s’évada de Sibérie, où il avait été déporté, et fit le tour du monde. Revenu en Europe, il se jeta à nouveau dans la lutte révolutionnaire, mais l’agitateur s’était doublé d’un penseur et d’un organisateur: en 1868, il adhéra à l’Internationale, dont il devint le premier théoricien, traduisant en russe le Manifeste communiste et le Capital de Marx. Ce qui n’excluait pas les désaccords entre les deux hommes: "Nos buts sont les mêmes, écrivit Bakounine, nous ne nous différencions que dans les moyens d’y parvenir".
Au point qu’au Congrès de La Haye en 1872, profitant de l’absence de Bakounine, Marx le fit exclure par une majorité factice. Ce fut la fin de la Première internationale… "
À certains moments de son existence, Bakounine a été, comme Proudhon, plutôt anti-théiste qu’athée. Dans l’ouvrage Dieu et l’État, on relève: "Satan est le premier libre-penseur et sauveur de ce monde. Il libère Adam et imprime sur son front le sceau de l’humanité et de la liberté en le faisant désobéir".
Lénine, Vladimir Ilitch Oulianov (1870-1924),: " un des grands théoriciens du marxisme. Vladimir aurait été initié à la loge l’Union de Belleville, à l’Orient de Paris, avant la guerre de 1914. Mais les archives de cet atelier ayant été dispersées, on ne possède pas de traces formelles de l’appartenance de Lénine à la franc-maçonnerie. Tout ce que l’on sait avec certitude, c’est qu’Oulianov fut l’ami de "Montehus" (1872-1958), chanteur anti-militariste, qui précisément, était membre de la loge l’Union de Belleville à la même époque.
Ayant pour suaire un drapeau de la Commune de paris, la dépouille mortelle de Lénine momifiée et exposée au Kremlin, curieusement, est figée à l’Ordre d’apprenti".
Un spécialiste de la Maçonnerie décrit ainsi ce signe: " Pour l’exécuter, on place la main droite au niveau de la gorge, l’avant-bras à l’horizontale, le pouce tendu pour former équerre… Selon l’explication habituelle, le geste d’ordre signifie que le maçon préfère avoir la gorge tranchée plutôt que de révéler les secrets qui lui ont été confiés".
Ce geste symbolique signifie que le franc-maçon Lénine a conservé jusqu’au bout le secret maçonnique. Entre les maçons et les communistes, il n’y a pas d’opposition véritable, comme Bakounine le disait lui-même à Marx.
L’incompatibilité proclamée au IVe Congrès de l’Internationale, en novembre 1922, ne doit pas faire illusion. À cette occasion, des francs-maçons furent expulsés, notamment Morizet, secrétaire général du Parti, Ker, Pevet, Antonio Coen, qui sera grand maître de la Grande Loge de France.
Mais dans la perspective de l’usage par le centre initiatique "d’organisations extérieures apparemment opposées les unes aux autres", il n’était pas pensable qu’au vu et au su de tous, les dirigeants des systèmes capitaliste et socialiste apparussent comme relevant d’une même organisation.
LE BUT DES MAÇONS EST LE RETOUR AU COLLECTIVISME ORIGINEL.
Alors, pourquoi auraient-ils maintenu en URSS une structure devenue obsolète une fois le but atteint?
Le dictionnaire Ligou rappelle que les francs-maçons américains manifestèrent publiquement leur hostilité au marxisme: "Les grandes loges américaines ont affirmé par la bouche autorisée d’Arthur Warren, président de la Cour suprême des États-Unis et grand maître de la Grande Loge de Californie que l’appartenance au Parti communiste constituait une conduite anti-maçonnique". Arthur Warren (1891-1974)
Mais la Maçonnerie aida puissamment au déclenchement de la révolution russe. Cette déclaration de la conférence internationale des Suprêmes conseils du rite écossais ancien et accepté, tenue à Paris en 1929, atteste de cette connivence de la Maçonnerie et du socialisme:
"Dans la période qui précède de peu la guerre mondiale, fut fondée en Russie, de 1909 à 1913, par certains maçons initiés en Europe occidentale, une organisation qui s’appela Grand Orient des Peuples de Russie. Cette organisation n’avait de maçonnique que le nom, n’ayant ni rituels, ni rapport avec la franc-maçonnerie étrangère. Son but était proprement politique: suppression du régime autocratique. Au commencement de la première révolution (février 1917), il y avait en Russie une quarantaine de loges, comptant 400 membres. Quand fut atteint le but politique poursuivi, cette organisation déclina rapidement et cessa d’exister dès que la plupart de ses membres quittèrent la Russie et que le gouvernement soviétique prit une attitude nettement hostile à la franc-maçonnerie".
ENTRE LA MAÇONNERIE ET LE SOCIALISME, IL N’Y A PAS PLUS DE CONTRADICTION QU’ENTRE LE SOCIALISME ET LA GNOSE.
CAR LE SOCIALISME A DES ORIGINES OCCULTES.
Dans l’Apocalypse philosophique et hermétique, Oswald Wirth, franc-maçon, maître du symbolisme (1860-1943), confirme la présence de la dialectique dans la démarche fondamentale du maçon:
"Toute la combinaison philosophique se réduit à faire d’un deux et de deux un, rien de plus; c’est là le nombre mystérieux de trois".
L’allusion au ternaire peut se décomposer ainsi: thèse = un; antithèse = deux; synthèse ou retour à l’unité = un. La thèse = affirmation; l’antithèse = négation; la synthèse = solution.
La dialectique fait partie intégrante de la doctrine initiatique.
L’étude du symbolisme maçonnique montre que le système entier repose sur ces conceptions. La religion secrète est dualiste. Le " Dieu civilisateur " est conçu comme double, symbolisé par l’Androgyne.
Dans Le Rebis de l’alchimiste Basile Valentin (1659), le " dieu civilisateur " et la Connaissance montrent aux initiés le Compas et l’Équerre, symboles de la science dont les progrès arracheront le monde (le globe) à la tyrannie du "dieu mauvais) (le dragon). Le "dieu civilisateur " et la Connaissance sont les deux aspects opposés et complémentaires du prétendu " Bon Principe " symbolisé par l’androgyne.
L’entreprise est d’autant plus aisée que le monde, régi par les lois physiques (les figures géométriques et les chiffres), "vole de ses propres ailes", c’est-à-dire est autonome.
Deux exemples suffisent à le montrer:
1- Toute loge comporte deux grandes colonnes, J = Jachin et B = Boaz. Les deux s’opposent par les couleurs et par le sexe. Jules Boucher, franc-maçon, occultiste (1902-1955), écrit: " la colonne J est bien masculine-active et la colonne B féministe-passive. Le symbolisme des couleurs exige en conséquence que la première soit rouge et la seconde blanche ou noire".
2- Les dalles carrées, alternativement noires et blanches, illustrent également cette importance du binaire. Elles forment le "pavé mosaïque" de toute loge.
Édouard Plantagenet, nom de plume d’Édouard Ignace Engel, franc-maçon belge installé en France (1893-1943), écrit à ce sujet: "Le Pavé Mosaïque continue, dans le Temple, le binaire des deux colonnes et l’on doit en déduire que le Maçon comme le profane est soumis aux rigueurs de la loi des contrastes, confirmation non équivoque de la relativité des vérités qui se peuvent révéler au néophyte en loge d’Apprentis".
La philosophie de Friedrich Hegel, maître à penser de Marx, (1770-1831) puise à ces sources initiatiques. Dans l’article qui lui est consacré dans le dictionnaire de la franc-maçonnerie, le Ligou, on peut lire: "le grand philosophe allemand n’a probablement jamais été maçon", mais il "a consacré à l’Ordre les Lettres à Constant, œuvre publiée sur manuscrit par la loge Quatuor Coronati, Orient de Bayreuth. Cette œuvre est aujourd’hui bien connue des loges allemandes, mais n’a pas été traduite en français".
Or, les Lettres à Constant, sous-titrée Philosophie de la franc-maçonnerie, sont l’œuvre du frère Johann Gottlieb Fichte (1762-1814). Et dans le système de Fichte, la dialectique tient également une place de premier plan.
Pour Hegel, l’Histoire, comme toute réalité, est rationnelle. Elle est la marche de l’Esprit vers sa réalisation. La nature serait un grand Tout soliste, l’esprit universel, une puissance créatrice aveugle, se développant dans le temps et l’espace sans avoir conscience d’elle-même, et finissant par engendrer l’homme, émanation consciente d’une nature inconsciente. La nature serait l’esprit en évolution, serait Dieu se créant lui-même, et se développant au rythme ternaire de la dialectique, thèse, antithèse, synthèse.
Le panthéisme évolutionniste hégélien admet l’être idéal, universel et indéfini, l’Absolu dynamique qui, en évoluant, détermine, distingue et constitue les individus. Le panthéisme hégélien postule que Dieu, initialement non conscient et impersonnel, se construit de façon aveugle et non dirigée, via un long processus évolutif, chaotique et mû par la contradiction. Dieu prend conscience de sa nature divine grâce à l’homme. L’univers inconscient engendre donc l’humanité, et par celle-ci, engendre la conscience.
Hegel part de la considération du monde et tend à l’athéisme, à l’absorption de Dieu dans le monde.
Étienne Couvert, historien, professeur de lettres classiques, (1927-2024), décrit la marche de l’esprit vers la réalisation de l’Histoire: "À l’origine, Dieu n’était qu’une "solitude de vie"… Position de la THÈSE.
Mais la nécessité de se manifester pour se contempler comme dans un miroir, ou encore pour devenir Conscience, va pousser ce "Tout Divin abstrait" à se dédoubler et à projeter en face de lui une fraction de lui-même, la nature concrète: voilà L’ANTITHÈSE …
Ce processus d’extériorisation de Dieu permet à la conscience inconsciente de devenir manifestée, "finie", délimitée, connaissable, donc "consciente".
Voilà une dualité introduite en Dieu. L’homme est, dans le processus de la genèse de Dieu, le moment crucial, l’avènement d’un état supérieur à la divinité. Mais cet avènement de l’Homme est un accouchement douloureux…
Esprit limité, "fini", (l’Homme) veut s’égaler à la Conscience universelle. C’est le geste de révolte d’Adam. Il échoue et perd le Paradis qui lui est retiré par la jalousie du Dieu inconscient primitif".
Jean Saunier
P.S.: Je laisse la responsabilité de ses dires à l'auteur (NDLR)