et les autocollants de Claire Tabouret
Les maquettes des futurs vitraux de Notre-Dame de Paris, présentées au Grand Palais depuis le 10 décembre 2025, signées par l’artiste Claire Tabouret, ravivent la querelle patrimoniale. De nombreux défenseurs du patrimoine dénoncent une grave atteinte à l’œuvre de Viollet-le-Duc, et aux véritables artistes de l’ogive.
Les cathédrales françaises, expression du génie occidental, ancrent l’Europe au ciel. Les meilleurs ouvriers les construisent sous la direction des évêques. Le style des cathédrales est dit "gothique", mot qui date de la Renaissance. En réalité, il n’y a pas d’art gothique, car les Goths n’ont rien à voir avec le nouveau style.
Sur le plan technique, cet art pourrait être qualifié d’ogival, l’ogive étant la principale modification des architectes. Ces cathédrales ogivales témoignent de l’art catholique français, et de la foi de l’Occident chrétien à travers toute l’Europe.
Les mille personnages peints ou sculptés expriment de hautes pensées. L’Église présida à l’ordonnance de ces vastes ensembles destinés à instruire et à émouvoir les fidèles. Elle conçut la cathédrale comme un grand livre où se lirait l’histoire du monde.
Au XIIIe siècle, nous sommes au siècle de la certitude. Vincent de Beauvais (1190-1290), enferme tout le savoir humain dans son Speculum Majus, vaste compilation de la connaissance du Moyen Âge, commandée par Saint Louis en 1246. Cette somme comprend quatre parties, ou quatre miroirs.
– Le Miroir de la Nature contient toute la création, tous les êtres nés de la pensée divine. L’artiste reproduit l’œuvre de Dieu avec amour. Pour le contemplateur, l’univers est un immense symbole, un discours sans fin du Verbe, du Logos, la Parole de Dieu, dont chaque être est un mot;
– Le Miroir de la Science nous introduit à la fois dans le monde du rude labeur quotidien et dans le monde de la pensée, car toutes les formes du travail sont saintes. Et c’est par le travail que l’homme commence sa rédemption;
– Le Miroir Moral nous fait pénétrer dans un monde plus haut que celui de la science, le monde de la vertu. L’art du Moyen Âge personnifie les vices et les vertus;
– Le Miroir Historique raconte l’histoire du monde comme un drame immense qui a commencé avant la chute et qui ne se terminera qu’au dernier jour. Le Christ est au centre de l’histoire.
L’Église met sous les yeux des fidèles les deux grands moments de l’année liturgique, le temps de Noël avec les scènes de l’Enfance, et le temps de Pâques, avec les scènes de la Passion. L’art représente avec prédilection la figure de la Vierge.
Après la Résurrection et l’Ascension, l’histoire de l’humanité rachetée commence. Cette histoire est uniquement celle des saints qui rappellent aux hommes le divin modèle, de siècle en siècle. La cathédrale célèbre les saints par ses vitraux, et aussi par ses statues et ses bas-reliefs.
Le vitrail achève la cathédrale en emplissant ses nefs d’une lumière qui semble venir d’un autre monde. Avec ses verres colorés sertis de plomb, le vitrail remonte aux temps carolingiens. Son dessein est celui des étoffes coptes ou byzantines que l’on tendait souvent devant l’ouverture des fenêtres pour les clore, et qui enfermaient des scènes religieuses dans des cercles. Sa technique est celle de l’orfèvrerie cloisonnée, l’or étant remplacé par le plomb, et le granit par le verre.
Les grandes ouvertures des murs de la cathédrale sont garnies de vitraux. Le problème posé par la réalisation de grandes ouvertures était double. D’une part, il fallait percer les murs sans diminuer leur solidité. Ceci est résolu au XIIe siècle par la solution de la construction d’ogives. D’autre part, il fallait savoir clore les ouvertures par de grandes verrières. La technique du vitrail répond à cette deuxième exigence.
Le vitrail est un assemblage de verres peints, formant des motifs décoratifs ou représentant des thèmes historiés, sertis dans une résille de plomb, soudés entre eux à l’étain. Un ensemble de morceaux de verre teints dans la masse et assemblés par une résille de plomb, de manière à former des figures. Les ombres et le relief sont évoqués par des traits gravés sur le verre.
Les plombs ont la forme d’un double U comportant au centre une "âme" ou "cœur" et des "ailes" qui forment des "chambres" où sont sertis les verres. Par sa souplesse, le plomb épouse bien la forme des verres. Mais sa rigidité n’est pas très grande, et on ne peut guère assembler des panneaux de plus de 60 cm au carré. Les différents panneaux doivent donc être assemblés entre eux pour former les grandes verrières.
La composition des verrières est fortement géométrique. Les différentes scènes historiées s’inscrivent en formes simples répétitives: médaillons ronds ou carrés, rarement polylobés, découpés en lobes, médaillons soulignés par les tracés des plombs et les tracés des barlotières, c’est-à-dire des traverses en fer.
Les couleurs sont puissantes et assez variées. Le bleu, habituellement réservé au fond, et le rouge, dominent. Le dessin est énergique, très stylisé, en concordance avec les fresques ou les enluminures de l’époque. La beauté du vitrail vient de la pureté de ses tons et du jeu de la lumière dans l’épaisseur du verre.
Tous les éléments sont traités avec la même minutie, comme une pièce d’orfèvrerie. Les bordures de verrières, larges et riches, entourent les scènes historiées.
De loin, seules se distinguent les formes géométriques des médaillons dans lesquelles s’enchâssent les verres précieux aux riches couleurs. On songe à des tapisseries de lumière.
Les fenêtres des parties hautes, les claires-voies, abritent habituellement un seul personnage monumental dans une posture hiératique, solennelle.
Au XIIIe siècle, les maîtres maçons inventent les roses et les portent à leur perfection. Cette dentelle de pierre a résisté à sept siècles d’intempéries, aux vents et au poids du verre. Les couleurs semblent tourbillonner dans ces roses, symboles de l’éternité.
Le XIIIe siècle, grande époque du vitrail, produit sans doute près de 250 000 m2 de vitraux, dont il ne reste plus que 15 000 m2. Un millier de compagnons y travaillent en permanence.
Sculptures et vitraux étaient là pour instruire plus que pour orner. Toute cette décoration formait le " livre des illettrés ", selon l’expression d’un concile, un livre de religion, d’histoire, de morale, de science, un livre d’art sans cesse ouvert devant les yeux des fidèles.
Claire Tabouret, artiste peintre française, née en 1981, a remporté le concours organisé par le ministère de la Culture pour la création de six vitraux contemporains pour Notre-Dame de Paris, dans les chapelles Sud, en remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc en parfait état. La Présidence de la République a annoncé ce choix dans un communiqué du 18 décembre 2024. Claire tabouret présente son projet dans le cadre d’une exposition au Grand Palais, à découvrir jusqu’au 15 mars 2026. L’atelier Simon-Marq de Reims est en train de réaliser les vitraux qui seront posés en 2026. Des vitraux qui n’instruisent pas, mais éduquent au mondialisme cosmopolite.
Marc Mandril Ferrario décrit les vitraux de Claire Tabouret: "Là, on assiste à une régression stupéfiante. Comment peut-on ignorer que la pierre impose une contrainte optique? Comment peut-on peindre un visage de manière à ce qu’il se retrouve coupé, étiré de dix centimètres, placé dans un meneau, et produire des bras difformes simplement parce que l’on n’a pas anticipé l’écart entre deux lancettes? Ce n’est plus une erreur, c’est la négation de tout ce qui fait la grandeur du vitrail occidental…
On prétend faire du figuratif, et on le fait en oubliant que les surfaces sont fragmentées, que les têtes doivent être ajustées à l’échelle des ajouts, que les silhouettes doivent passer sous les barlotières, et que l’œil doit recomposer l’ensemble malgré la pierre. Chartres savait le faire en 1200. Strasbourg savait le faire en 1400. Et nous, en 2025, nous sommes incapables d’aligner un bras ou une tête?
Il faut une inconscience rare, ou une incompétence absolue, pour rater à ce point la géométrie élémentaire d’un vitrail…
À quoi sert de moraliser si l’exécution trahit le message? Ce n’est pas le sujet qui choque. C’est la défaillance optique, la méconnaissance du support, la naïveté géométrique, l’amateurisme total dans un domaine où la précision est un langage sacré. Ce vitrail n’est pas seulement maladroit. Il renverse huit siècles de savoir-faire…
Tout historien de l’art un peu informé serait proprement horrifié devant une telle vulgarité post-moderne, à la fois prétentieuse, moraliste et techniquement indigente.
Voilà où nous en sommes. Un vitrail de cathédrale traité avec le niveau d’exigence d’un autocollant posé sur une vitre de bus.
Triste époque, où même la lumière n’arrive plus à sauver ce qu’on lui donne à traverser. bravo macron, les loges rigolent… c’est le kalyug art ".
C’est bien Macron qui a choisi Claire Tabouret et a commandité les vitraux. L’œuvre de l’artiste correspond pleinement aux conceptions artistiques et philosophiques du Président. La transgression est structurelle à l’art contemporain. La transgression est inhérente à Macron.
L’AC, art contemporain, est un art de la rupture, une rupture avec l’art. Il est contre tout ce qui s’est fait avant lui et avance masqué. Il s’abrite derrière le prestigieux statut d’artiste doré par des siècles.
Le discours remplace le métier, ses techniques, ses pratiques, ses expérimentations plastiques. La scolastique n’a jamais théorisé l’art des cathédrales, qui s’en est fort bien porté. Aujourd’hui, le langage théorique remplace l’œuvre.
Échapper au travail, à un savoir-faire, c’est pour l’artiste une manière d’échapper à toute évaluation. Le discours conceptuel affiche pompeusement une apparente technicité, et cache en fait une pensée chaotique.
L’AC est un non-art, c’est même selon Jean-Louis Harouel, " la haine de l’art ", un anti-art. Tout ce qui n’est pas de l’art contemporain n’est pas de l’art, ou n’est pas contemporain.
L’AC cultive la nouveauté, a la superstition du nouveau: tout nouveau, tout beau, " si c’est beau, c’est nouveau ", d’où " c’est nouveau donc c’est beau ". C’est faux, mais l’AC répond: la beauté, c’est la nouveauté. Et on déduit: " si ça choque, c’est nouveau ". L’œuvre la plus recherchée est celle qu’on comprend le moins, la plus révolutionnaire, la plus choquante, la plus surhumaine.
La valorisation du nouveau s’accompagne d’une valorisation de l’immédiat. La sensation, l’impact, l’impulsion, sont supérieurs à la contemplation qui demande une certaine culture, un goût, un savoir.
L’art dominant renie et refoule l’éternité pour s’aveugler et s’obséder sur le paraître et sur des nouveautés vulgaires du genre " n’importe quoi pourvu que ça donne de la valeur ". Il nie toute continuité et répète sans arrêt la rupture, la rupture, comme un disque rayé. Il tourne en rond. D’où une surenchère de l’agressivité et du matraquage.
L’AC éprouve la phobie du passé et fabrique un ersatz qu’il substitue au réel. Il se fout du patrimoine et vire les " vieilleries ". L’AC est " l’art " de la rupture, un refus de l’art doublé d’un refus du temps.
L’AC est un art totalitaire. Comme tout est culture, tout est art. L’économie, le commerce, une course d’obstacle en robe longue, la prostitution dans un musée, les petites culottes-balançoires au plafond de Beaubourg… c’est de l’art. On rêve d’un projet grandiose, d’un art planétaire qui réunirait tous les peuples et toutes les cultures.
L’AC exprime une pensée dominante qui a remplacé le marxisme: le relativisme comme vérité universelle. Tout est relatif, tout se vaut, tout est permis. D’où le cynisme des "intellectuels".
L’AC reprend les errements du nominalisme. Le langage est pure convention, arbitraire. Il n’existe pas de principes généraux, on n’est sûr de rien, on ne peut plus penser. On se retrouve dans un monde fracturé où la communion est impossible, faute de base commune. Dans un monde égoïste, impensable et invivable. L’époque moderne vit une réplique du nominalisme et l’AC est au centre de ce séisme. Francis Picabia, peintre surréaliste (1879-1953), écrit: " le mot lumière existe, la lumière n’existe pas ". L’AC détruit la pensée rationnelle.
L’AC fait perdre les identités et le sens. Il hait la notion même de valeur. Il ne construit rien. Il anéantit la symbolique dans le truisme. Il retourne à l’indifférenciation, à la confusion, au chaos. Le néant l’intéresse.
L’AC est un art hégémonique. Un art incontestable et incontesté. Les intellectuels de l’AC tirent sur tout ce qui bouge et utilisent leurs outils conceptuels pour survivre coûte que coûte. Ils deviennent des terroristes intellectuels.
Dans l’armurerie de ce terrorisme, l’art de l’inversion dirige les esprits. La beauté est subvertie: le mot beauté est disqualifié, la beauté est révulsive, c’est la fin de l’harmonie. Les esthétiques sont inverties: l’art est abject, il joue avec les déjections, le sale, le pervers. L’art fait la promotion d’une humanité mutante, met en vedette le monstre, le clone, l’androïde, le transsexuel, et la " cyborg-culture ".
L’AC transgresse les frontières de l’humain. Un art du non-droit: une drogue euphorisante, c’est l’œuvre. Un art pédophile, tortionnaire, nécrophile, à l’avant-garde du crime. La transgression fait partie de son essence.
Les artistes contemporains ont l’illusion d’échapper à l’humanité commune. Ils constituent une nouvelle race de seigneurs, au-dessus du bien et du mal, investie d’une mission: régénérer le monde par la "libération", organiser une purification du monde.
Claire Tabouret épouse tous les critères, tous les paramètres de l’AC. C’est pourquoi Macron, féru de transgression, de régénération, de subversion, d’abjection, de mutation, d’indifférenciation, de néant, de table rase, de rupture, de nominalisme, l’a choisie.
Jean Saunier