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Trump a raison de vouloir reprendre le contrôle du canal de Panama

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Le 18 novembre 1903, à New York, est signé le traité Hay-Bunau-Varilla, faisant du Panama, province sécessionniste de Colombie, un protectorat. Les États-Unis reçoivent une frange de 10 milles de large (18,5 km) de chaque côté du futur canal, pour sa construction et son exploitation. Une concession à perpétuité. La souveraineté dans la zone du canal leur revient, le Panama y étant privé de l’exercice de tout droit régalien.

On concédait ainsi aux USA un droit d’ingérence permanent dans les affaires intérieures panaméennes, avec la possibilité d’intervenir militairement en cas d’atteinte à l’ordre public. Conformément à la tradition: quatorze interventions armées yankees entre 1850 et 1902, à la demande de la Colombie.

Cette clause fut incluse dans la Constitution panaméenne du 20 février 1904. Mais, comme dans tous les pays arriérés, lorsqu’ils ont laissé une nation plus évoluée défricher et innover, une fois que ça fonctionne, ils veulent virer les investisseurs et garder tout le gâteau pour eux.

Du protectorat à l’État associé, puis à la dictature hostile

Le naïf Jimmy Carter (RIP) qui s’était laissé bouffer le crâne par les ayatollahs iraniens, s’est fait pincer à Panama par un crustacé frimeur Omar Torrijos, ancien capitaine putschiste qui réclamait depuis 1968 l’indépendance du canal, pour s’en mettre plein les fouilles.

Le traité Torrijos-Carter signé en 1977 sous la pression de la "vertueuse communauté internationale" fut un renoncement aux royalties du canal. Tout en maintenant la souveraineté politique et militaire des USA, car les Ricains considèrent qu’ils doivent pouvoir intervenir à leur guise partout en Mésoamérique, lorsque leurs intérêts l’exigent.

Progressivement les Américains dégagent de l’administration du canal, et abandonnent les jobs les plus juteux à des locaux. Fin 1999, le transfert est achevé. Dans les années qui suivent, les coûts de passage doublent, triplent, quadruplent, décuplent, et les Panaméens incapables d’entretenir et de gérer "leur" canal, exigent que les Ricains continuent le job sans en tirer de bénéfices.

Moins cons que les Français qui persistent à raquer pour d’anciennes colonies qui leur crachent à la gueule, les Ricains se désengagent. La place est libre pour les Chinois. L’élargissement et l’approfondissement du canal aux normes Panamax fini en juin 2016, est l’œuvre d’une multinationale où les fils du ciel sont majoritaires.

Désormais, les navires de près de 300 mètres de long et 32 de large peuvent passer. Mais le problème vient du tirant d’eau. Il semblerait que, du fait d’une raréfaction momentanée des pluies, un phénomène cyclique observé dès les années 1900, le lac Gatún et les écluses ne se remplissent plus suffisamment. Limitant le nombre des navires. Et donc les taxes. Qui vont encore augmenter. Cas d’école de mauvaise gestion.

On ne se méfie jamais assez des chicayas des Chicanos

Entre 1979 et début 2017, avec mon voilier ou ceux que je convoyais, j’ai emprunté trois fois le canal, mais rassurez-vous, je l’ai toujours rendu. Et j’ai fait deux escales en avion, destination le Costa Rica. En quarante ans, j’ai pu mesurer la dégradation de Panama, condensé de corruption et de banditisme à tous les niveaux, qui mérite plus que d’autres l’appellation de super ripoublique bananière.

Le summum est atteint et dépassé le 15 décembre 1989 quand Manuel Noriega, narco-trafiquant lié aux cartels colombiens, autoproclamé Président et "lider maximo" comme Fidel Castro, déclare le Panama en état de guerre avec les USA. Merluchon s’y serait senti chez lui. Ils détestent les Gringos, surtout les blonds pâlichons. Moi, ça va. Basané et hispanophone, je passe inaperçu.

Georges W Bush, comme le traité bilatéral l’y autorise, décide alors d’un rappel à l’ordre. Les troupes US investissent Panama City, la ville moderne côté Pacifique, et traquent Noriega. La plupart des Panaméens ne se battent pas contre les US Marines, mais entre eux, pour s’attribuer la plus grosse part dans les pillages.

Début janvier 1990, le truand dictateur finit par se rendre, on l’extrade aux USA où il se prend 40 ans de prison réduits à 30 pour bonne conduite. Libéré au bout de 20 ans, la France qui a toujours su choisir ses amis, lui offre l’asile politique. Avant de le rejuger dans une mascarade judiciaire dont nos hiérarques sont friands.

 

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Comme dans beaucoup de pays sous-développés, la voyoucratie assaisonne de son pittoresque les frissons de l’aventure. Mais à Panama, c’est devenu une institution. On est passé de la délinquance vermiculaire, larcins, propinas y mordidas (bakchichs et pots de vin) aux attaques à main armée pour quelques dizaines de dollars… Les forces armées ayant été limitées par les Yankees, ce sont des sociétés de sécurité privées qui s’occupent des voyous. Avec une redoutable efficacité.

Aller à Colón à la banque, barricadée comme Fort Knox, fut une véritable expédition. Dans un véhicule blindé avec deux guerrières armées jusqu’aux dents. Obligatoire sinon on ne m’aurait pas ouvert. Qu’il était loin le black market bon enfant des années 1980!

Après c’est une question d’échelle: trois mille dollars sans les a-côtés pour un voilier de 12 mètres. Trois millions pour un porte containers de 250 mètres. Si Trump les bouscule un peu, j’applaudirai des deux mains. Donald est un négociateur hors pair qui sait taper sur la table quand il faut. Il y a fort à parier que les tarifs baisseront en 2025. Au moins pour les bateaux étasuniens.

On peut aussi transiter au ras de la banquise

Les Russes peuvent se passer de Panama. Le passage du Nord-Est est la voie maritime la plus courte pour joindre l’Asie à l’Europe et aux Amériques. Cet itinéraire raccourcit la distance de 5 à 7000 km soit 35% en moins, et autant d’économies en carburant. Il permet aussi de gagner 40% de temps. Autant de salaires en moins.

Le passage du Nord-Ouest emprunté par Amundsen en 1905 doit ses difficultés aux hauts fonds plus qu’aux glaçons. Canadiens et Alaskiens étudient la possibilité de le maintenir ouvert aux mois les plus favorables de l’année. Pour les Ricains, les canaux entre les îles sont des détroits internationaux libres d’accès. Avantage à l’Alaska. Pour les Canadiens, ce sont leurs eaux territoriales, dont ils espèrent tirer une taxe de péage. Envisager de les annexer, avec le Groenland, est une tactique habile pour contenir leurs appétits.

Les Russes n’ont pas ces problèmes. Les 9000 kilomètres de côtes de la Sibérie constituent un avantage naturel incomparable. En 2011 le pétrolier Vladimir Tikhonov avait été le plus grand bateau à relier les océans Atlantique et Pacifique par le Nord. Vingt-six autres navires l’avaient suivi. Depuis, cette voie maritime est régulièrement empruntée par des dizaines de méthaniers brise-glaces et briseurs de blocus otanesque.

On sait faire des coques blindées en alliages légers, capables d’écarter les growlers ou de monter sur la banquise pour l’éclater, sans avaries. Et les moyens de positionnement par satellite permettent de suivre une route sûre, en contournant les glaces à la dérive et en évitant les hauts fonds. Cette nouvelle génération de navires qui peuvent naviguer en solo, n’a plus besoin d’être précédée par un brise-glaces comme avant.

La région Arctique est liée aux pays qui la bordent, Danemark, Islande, Norvège et surtout Russie à qui les accords de Montego Bay de 1982, actualisés en 2022, permettent de faire payer un droit de passage ou d’accompagnement aux navires naviguant dans ses eaux territoriales, et d’en refuser l’accès aux indésirables. La géographie montre qu’il ne s’agit pas de détroits où la liberté de circulation serait de mise.

Le 25 avril, Vladimir Kulishov, directeur adjoint du FSB, service fédéral de sécurité russe, et Yu Zhong, patron des garde-côtes chinois, ont signé à Mourmansk un accord pour veiller conjointement au respect du droit maritime. Conformément aux protocoles de Montego Bay que les USA n’ont pas signé. Mais qu’importe…

Le choix de Mourmansk proche de la Finlande, nouveau membre de l’Otan, est un avertissement adressé à l’Alliance Atlantique. Et pour que ce soit plus clair, Moscou a entrepris de construire des avant-postes militaires, des ports en eau profonde et des aérodromes tous temps dans cette zone. Le message envoyé par les Russes et les Chinois à l’OTAN est facile à comprendre: défier la Russie ou entraver la course des navires chinois équivaudrait à une déclaration de guerre. Le Pôle Nord risque de devenir l’endroit le plus chaud de la planète.

Christian Navis

https://climatorealist.blogspot.com/

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