Mai 68, révolution d’essence bourgeoise, n’a pas été récupéré par le peuple (02/08/2025)

"Mai 68 révolte populaire récupérée par la bourgeoisie (version comique)? ou version bourgeoise récupérée par le peuple? (plus sérieux …)"

Selon Gilles Lipovetsky, essayiste, né en 1944, Mai 68, comme divers mouvements culturels de la modernité et de la post-modernité, s’inscrit dans une dynamique de l’individualisme.

L’individualisme au sens tocquevillien du terme: "Un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis, de telle sorte que, après s’être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même".

Entendu à ce sens, l’individualisme est lié au processus démocratique de l’égalisation des conditions, à la "liberté des Modernes", définie comme cette liberté privée qui risque sans cesse de sombrer dans l’apathie politique et d’engendrer l’atomisation du social.

En fait, les acteurs de Mai 68 sont les agents inconscients d’un processus qui les englobe et les dépasse. Du moins la grande majorité d’entre eux, ceux qui ne connaissaient pas les commanditaires et leurs buts. Ils ont produit exactement le contraire de ce qu’ils visaient. Ils ciblaient le public, ils ont " privatisé " l’existence. Ils critiquaient le désir de consommation, ils ont développé et consolidé le processus de consommation. Ils ont fait l’histoire sans savoir l’histoire qu’ils faisaient.

Gilles Lipovetsky distingue trois phases du capitalisme. Le capitalisme classique se caractérise sur le plan culturel et intellectuel par l’ascétisme de la morale protestante, et la valorisation du travail, de la discipline et de l’effort.

Le modernisme apparaît sur le plan culturel entre 1880 et 1930: une idéologie exacerbée de la rupture avec la tradition, par le culte du nouveau et de l’inouï, par le rejet de toute forme concevable de norme transcendante. On libère le roman des contraintes de la chronologie et de la psychologie, la musique des contraintes de la tonalité, la peinture des contraintes de la perspective et de l’objectivité. Ce mouvement moderne de rupture ou art moderne s’épuise après 1930.

Le post-modernisme consiste essentiellement à répéter le geste moderniste, avec emphase et exagération. Une culture nouvelle apparaît. Ayant épuisé les possibilités de renouveler les contenus, elle prend pour principe le renouvellement lui-même, tenu pour une fin en soi.

Cette culture nouvelle cherche à générer sans cesse de l’absolument nouveau, se vouant ainsi à une indépassable contradiction, puisqu’à terme, le fait de produire du nouveau apparaît lui-même comme dépourvu de toute nouveauté.

Les mouvements post-modernes ont mis fin à l’ascétisme du proto-capitalisme et ouvert ainsi la voie à une culture hédoniste: le plaisir est le fondement de la morale.

Dans les années 1930, la naissance du crédit ouvre un nouvel âge de la consommation, dont les exigences ne sont plus compatibles avec l’ascétisme protestant et vont susciter la nouvelle culture hédoniste.

La crise de Mai 68 apparaît comme un moment clé du passage du modernisme au post-modernisme, sous l’effet de la relance de la consommation dans la période de l’après-guerre.

"C’est au cours des années 60 que le post-modernisme révèle ses caractéristiques majeures, avec son radicalisme culturel et politique, son hédonisme exacerbé, la révolte étudiante, la contre-culture, la vogue de la marijuana et du LSD, la libération sexuelle, les films et publications porno-pop, la surenchère de violence et de cruauté dans les spectacles, que la culture ordinaire se met au jour de la libération, du plaisir et du sexe".

Ainsi, la crise de Mai 68 marquerait la transition entre la phase encore offensive de la rupture avec les dernières survivances des valeurs traditionnelles, et la phase qui, la tension de la rupture n’étant plus nécessaire, "s’établira dans le registre cool programmé" qui définit l’âge post-moderne.

Modernisme et post-modernisme s’articulent autour des années 1968 comme le moment "hot" et le moment "cool" d’un même processus (moment chaud et moment décontracté).

"Fin du modernisme: les années soixante sont l’ultime manifestation de l’offensive lancée contre les valeurs puritaines et utilitaristes, l’ultime moment de révolte culturelle, de masse cette fois.

Mais aussi bien, commencement d’une culture post-moderne, c’est-à-dire sans innovation et audace véritable, qui se contente de démocratiser la logique hédoniste ".

Et cette fonction historique de la fin des "sixties" se trouve attestée par l’itinéraire personnel de ceux qui sont perçus comme les leaders d’une contestation révolutionnaire. Et ces leaders appartiennent à la bourgeoisie, non au peuple.

Quelques années plus tard, les ex-leaders, leurs compagnons et leurs descendants succombent tous ou presque tous au charme de la vie néo-bourgeoise: hédonisme, argent roi, belles résidences, belles voitures. Le mode de vie bourgeois évolue vers toujours plus de libération, d’émancipation, d’idéologie, d’argent, et s’éloigne toujours plus d’un peuple méprisé.

Loin de marquer une rupture et le point de départ vers un avenir vraiment neuf, Mai 68 devrait ainsi demeurer dans les mémoires comme une " révolution sans finalité ", sans programme, sans victime ni traître, sans encadrement politique… un mouvement laxiste et décontracté, la première révolution indifférente, preuve qu’il n’y a pas à désespérer du désert".

Au total, les initiateurs du mouvement déclencheur du 22 Mars, les jeunes promoteurs de Mai 68 sont des bourgeois libéraux-libertaires. Cette dénomination caractérise bien l’état d’esprit d’une génération anti-autoritaire et cosmopolite, assumant tout de go une libération des mœurs quasi totale, l’aventure post-nationale, et l’ouverture plus ou moins grande des marchés. Une des composantes majeures de la pensée 68 est la déconstruction. Et le peuple n’a rien à voir avec ces idées à ce moment-là.

Très vite, les soixante-huitards souvent issus de la bourgeoisie, mais anti-bourgeois, se coulent dans une néo-bourgeoisie qui ne dit pas son nom. Leurs enfants et petits-enfants font partie du même groupe social. Les babas-cool des années 1970 étaient les héritiers des hippies des années 1960. Ils ont trouvé leurs successeurs avec les bobos bourgeois-bohèmes des années 1990.

Il y a donc une filiation entre les hippies, les babas-cool et les bobos, tous adeptes de l’idéologie soixante-huitarde.

On peut définir les bobos par leur pragmatisme idéologique: pour eux, le seul critère de la vérité d’une idée, d’une théorie est sa valeur pratique, son utilité.

La plupart pensent à gauche, dénoncent l’accroissement des inégalités sociales, soutiennent les sans-papiers. Certains sont aussi membres de "la gauche caviar".

Mais les bobos vivent à droite, et dépensent des revenus souvent élevés. Ces revenus proviennent d’activités largement issues d’un système libéral, et aussi de la fonction publique.

Bourgeois, riches, libéraux, branchés, ils sont hédonistes et égocentrés. Dans les discours, à la radio, à la télévision, les Droits de l’Homme, l’Égalité, l’aide aux déshérités. Dans la vie, dans l’action, le plaisir, rien que le plaisir, la jouissance à tout prix. Ils restent dans leur milieu et ne se mélangent pas: journalistes, politiques, universitaires se connaissent et marient leurs enfants.

 

L’événement Mai 68 a des conséquences sur les décisions prises depuis, décisions politiques, économiques, sociales, sociétales, écologiques, sanitaires. L’événement Mai 68 a profondément changé la vie quotidienne, la morale, les mœurs, l’instruction et l’éducation. Et le peuple en est la victime, le peuple n’a rien récupéré du tout.

Les acteurs de Mai, puis leurs héritiers gouvernent le pays depuis 1981, soit directement au pouvoir en appliquant le programme mondialiste, soit indirectement dans l’opposition en imprimant son idéologie, en imposant ses idées par des manifestations de rue régulières et savamment orchestrées. Et avec l’aide des médias qui, au moyen de méthodes répétitives et d’un matraquage permanent, imprègnent l’esprit des Français.

Ces bourgeois gauchistes, issus ou descendants du mouvement de Mai, sont favorables à l’immigration de masse, au multiculturalisme et au métissage, à la destruction de la nation et des valeurs occidentales, à la suppression des frontières. Mais ils vivent en des endroits hyper protégés et réservent au peuple les effets délétères de leur doctrine. Ils fabriquent l’opinion par leurs interventions constantes. Le peuple ne fait qu’adhérer parfois, endoctriné par la propagande.

Leur passé ne plaide pas en la faveur des soixate-huitards: un passé de retournements et de revirements. De la bourgeoisie parentale, on passe au trotskisme, au marxisme-léninisme, au maoïsme, qui ont causé la mort de dizaines de millions de personnes, puis on revient à une bourgeoisie cachée.

Un passé fait de contradictions. Pourfendeurs de la société de consommation, ils en sont finalement les promoteurs les plus assidus.

Détracteurs méprisants et haineux de la bourgeoisie, ils redeviennent très vite des bourgeois plus bourgeois que leurs parents, mais en dissimulant cette " qualité " sous des artifices, vestimentaires par exemple, rejet de la cravate, rejet du costume, port du jean, port de la chemise col ouvert, port du pull col roulé.

Français de naissance, ils visent la destruction de la nation au profit d’une société multiculturelle.

Cette destruction de la nation était déjà en germe en 1968, au profit de l’Internationalisation du Capital et du développement de la société bourgeoise.

Anticléricaux, adversaires de l’Eglise catholique, ils discréditent la religion catholique et contribuent à la marginaliser. Il est vrai que l’Eglise elle-même, issue de Vatican II, les aidera considérablement à ce discrédit et à cette marginalisation. Parallèlement à cet anticléricalisme primaire, ils s’allient à une autre religion, une religion inadaptée au monde occidental, une religion fondamentaliste, intégriste, une religion politique, ils favorisent l’installation de cette religion: l’Islam. L’anticléricalisme chrétien devient cléricalisme islamique.

Ces mêmes personnes entérinent sans discuter les décisions prises par les organismes islamiques, décisions qui engagent l’avenir de la France, de l’Europe, décisions qui protègent l’Islam, ses coutumes, son mode de vie, ses lois, sa culture dite supérieure. Et les décisions prises par l’Union européenne, par les organismes internationaux, ONU, OMS, décisions contre l’intérêt des peuples.

Gauchistes, écologistes, altermondialistes imposent leur loi non écrite à la majorité, parfois par la force directe, comme les dictatures, en usant de la violence verbale et physique, plus souvent en agissant par le biais de la culpabilisation, en jouant sur le sentiment de la honte. La honte de ne pas être à la hauteur de l’Autre. La honte de l’extrême droite, du fascisme et du racisme.

Et en monopolisant la parole: " La liberté d’expression c’est pour la gauche d’abord, et pour les autres, si on a le temps ", dit Christian Combaz.

Gauchistes, écologistes, altermondialistes sont en effet tout entiers attachés à défendre la cause de l’Autre. Ils ont la main tendue vers les damnés de la terre, pourvu qu’ils soient d’ailleurs.

Ils sont de tout cœur avec les sans: sans domicile, sans-papiers, sans frontière, sans emploi.

Ils se ruent là où clignote le mot alter. Ils carburent à l’anti, anticapitaliste, antiraciste, antifasciste.

Infiltrés au cœur de là où se forge l’Opinion, ils imposent la rumeur diffuse qui sert de boussole à notre monde. Et chacun se croit obligé de se conformer aux injonctions plus ou moins explicites de ce qu’en dira-t-on incarné par de nombreux journalistes et par de nombreuses stars du show business.

Gauchistes, écologistes, altermondialistes agissent par intimidation. Ils jouent sur le vieux ressort de la culpabilité. Ils recourent aux mêmes procédés qu’ils dénoncent. Ils ne condamnent pas au nom de la morale, mais au nom de la pensée correcte, pensée dite correcte, rendue correcte par le chantage, la pression, pensée dite correcte infligée aux autres.

Gauchistes, écologistes, altermondialistes votent Macron, l’homme du grand Capital, l’homme du Capital financier, l’homme des milliardaires, l’ennemi du peuple.

Ce nouvel ordre moral, dont les membres ont dénoncé avec virulence le vieil ordre moral bourgeois, assène un ensemble de dogmes de référence qu’il ne fait pas bon transgresser: dogme de l’homosexualité, dogme du genre, dogme de la sexualisation de l’enfant, dogme du transgenrisme, dogme de la vaccination, dogme du réchauffement climatique anthropique…

Si vous êtes rangé dans le mauvais camp, dans le camp des renégats, vous êtes affublé d’anathèmes convenus: réac, facho, néo-nazi, extrême droite, raciste, et tous les mots en phobe.

Mai 68: une révolution dans la trajectoire du nouvel ordre moral, provoquée et commencée par la jeunesse bourgeoise étudiante gauchisée.

Une grande partie du peuple, peuple déjà formaté et conditionné par les médias, s’opposait au régime gaulliste, prit part au mouvement et s’unit aux étudiants. En Mai-Juin 68, les grèves étaient quasi obligatoires, notamment dans l’enseignement. Le peuple n’avait pas le choix et ne décidait de rien. Un peu plus tard, cette jeunesse étudiante prit le pouvoir pour ne plus le lâcher. Ce sont bien des descendants, des héritiers de Mai 68 qui gouvernent aujourd’hui, contre le peuple. La révolte de Mai 68 n’a rien de populaire à ses débuts, même si le peuple est mécontent. La révolte est bourgeoise, du début à la fin, et en aucun cas récupérée par le peuple. Depuis cinquante ans, le peuple est le dupe et le jouet des soixante-huitards et de leurs héritiers. Le peuple a participé massivement à Mai 68. Comme dans toutes les révolutions, la bourgeoisie a utilisé le peuple.

Jean Saunier

09:02 | Tags : politique, opinions, société | Lien permanent | Commentaires (0)