Les crèches de Noël ne sont pas une atteinte à la laïcité (12/12/2024)

Chaque année, à l’approche de Noël, la ville de Béziers installe une crèche de la Nativité à l’intérieur de la mairie.

Depuis 2015, cette crèche est attaquée devant les tribunaux pour atteinte à la laïcité. En décembre 2024, la Libre Pensée et la Ligue des droits de l’homme attaquent la crèche en justice. La Libre Pensée dépose un référé suspension qui n’est pas accepté par la justice. Puis la Ligue des droits de l’homme dépose un nouveau référé de suspension qui sera jugé le 17 décembre devant le tribunal administratif de Montpellier.

Me Sophie Mazas, avocate de la LDH, défend le retrait de la crèche: "Croyant tromper la juridiction sur le sens de la crèche installée dans l’enceinte de l’hôtel de ville depuis bientôt dix ans, le maire de Béziers tente d’affirmer fallacieusement l’adéquation de ladite crèche avec les principes du droit qu’il viole pourtant systématiquement depuis 2014".

Robert Ménard réplique: "Mais bon sang, la Ligue des droits de l’homme n’a-t-elle rien de plus important aujourd’hui à traiter que le sujet de la crèche de la ville de Béziers? … On voit que certains militants des droits de l’homme mettent toute leur énergie sur un combat "suprême" à leurs yeux: faire déplacer notre crèche. Ne leur déplaise, elle est consensuelle et ceux qui ne veulent pas la voir ne viennent pas".

La LDH reste ferme: "Une crèche de la Nativité n’a absolument rien à faire dans un édifice public car elle n’a pas un caractère culturel artistique ou festif ".

La crèche de Noël, véritable symbole des fêtes de fin d’année, est bien plus qu’une simple décoration. Elle représente la scène de la Nativité, célébrant la naissance de Jésus-Christ.

La naissance de Jésus est racontée par Saint Luc dans son évangile. Né dans une grotte, à Bethléem, en Terre sainte, le Christ aurait réuni le jour de sa Nativité, bergers des alentours et princes venus d’Orient. Les grottes de cette région servaient d’étables pour abriter les bêtes.

En cette nuit d’hiver, le bœuf aurait permis de réchauffer l’Enfant Jésus. La crèche de Noël est née ce soir-là.

Le mot crèche est d’origine franque: krippia, devenu en latin cripia, signifiant la mangeoire pour les animaux. Par extension, la crèche signifie la scène de la Nativité.

Au VIe siècle, au cours d’une messe, on célèbre pour la première fois la naissance du Christ dans la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome.

Cette tradition, ancrée dans la culture chrétienne, va évoluer au fil des siècles pour devenir une composante essentielle des célébrations de Noël à travers le monde.

En 1223, Saint François d’Assise, fondateur de l’ordre des Frères mineurs, se rend à Bethléem. Il organise une représentation vivante de la naissance de Jésus dans une grotte à Greccio, en Italie. Il reproduit en grandeur nature une crèche, afin de raconter aux habitants la Nativité.

Pour la nuit de Noël 1223, la crèche prend vie sur le parvis de l’église de Greccio. Les habitants se déguisent pour jouer le rôle de Saint Joseph, Sainte Marie, les rois mages ou encore les bergers. Saint François d’Assise inaugure la tradition des crèches.

La crèche de Noël se répand en Italie et en Provence par le biais de la prédication des disciples de Saint François d’Assise, les Franciscains.

Au XIVe siècle, les crèches de Noël se popularisent. Elles se répandent dans les églises et monastères, souvent sous forme de tableaux vivants ou de sculptures en bois, en cire ou en argile.

Dès le XVIe siècle, des crèches sont installées à l’intérieur des églises dans toute la chrétienté. Les Jésuites reprennent cette tradition et l’introduisent dans le contexte de la Contre-Réforme.

Au XVIIIe siècle, les crèches deviennent des œuvres d’art.

Pendant la Révolution dite française, la tradition du Santon prend naissance. Les Santons, petits saints, figurines colorées représentant la Nativité. En 1793, les églises françaises deviennent propriétés de l’Etat. Les crèches vivantes ou mécaniques sont interdites dans les églises.

Pour conserver cette tradition au cœur des foyers, on décide d’installer des crèches de Noël à l’intérieur même des habitations. Après le passage des anticléricaux révolutionnaires, et de la loi de 1905, la crèche se laïcise, mais reste cependant rejetée par certains.

La crèche est une tradition chrétienne, mais essentiellement catholique. Les protestants y sont moins attachés et préfèrent le sapin symbolisant l’arbre de vie. Les orthodoxes préfèrent des icônes pour représenter la Nativité.

La crèche de Noël se compose de plusieurs éléments clés, chacun ayant une signification particulière. Jésus au centre, dans une mangeoire, est le nouveau-né divin. Marie, à genoux ou assise près de Jésus, symbolise la maternité et la tendresse. Joseph, debout près de Marie et Jésus, représente la protection et la bienveillance. Les Anges, au-dessus ou autour de la crèche, incarnent la présence divine. Les Bergers, autour de l’étable avec leurs moutons, personnifient l’humilité et la simplicité. Les Rois Mages, en route vers la crèche ou déjà présents avec des cadeaux, rendent l’hommage de toutes les nations. Les animaux, autour de la mangeoire, suggèrent douceur et paix. L’étoile, au sommet de la crèche, désigne la Lumière divine. L’étable – grotte en arrière-plan, abritant la scène principale, évoque l’humilité des origines de Jésus. Les paysans et artisans, dispersés autour de la crèche, expriment la dimension locale et quotidienne.

En France, chaque région a développé ses propres traditions et styles de crèches de Noël, reflétant la diversité culturelle et artistique du pays. Les crèches de Noël reflètent les traditions locales. Des figurines sont fabriquées en cire, en terre cuite, en porcelaine, en bois ou en plâtre.

En Provence, les Santons en argile. Tous les corps de métiers et personnages traditionnels, les personnes typiques des villages provençaux, sont représentés dans la crèche. Tous les habitants offrent le fruit de leur travail à l’Enfant Jésus. En Alsace, les figurines sculptées en bois, la crèche sous le sapin de Noël, des éclairages discrets. En Auvergne, des crèches rurales, des figurines en bois ou en pierre, des paysages de montagne reflétant le cadre rural. En Bretagne, des influences celtiques, des matériaux comme l’ardoise et le granit, des personnages en costumes traditionnels bretons, des motifs celtiques. En Savoie, des crèches montagnardes, en bois, des chalets, des paysages enneigés, des figurines et vêtements d’hiver, des détails montagnards. En Corse, crèche insulaire en argile ou en bois, des figurines locales, des éléments naturels corses, des chants traditionnels.

La tradition de la crèche s’est développée sur tous les continents, devenant multiculturelle. Chacune raconte l’histoire de Noël à travers le prisme de sa propre culture.

Chaque année, la presse abonde contre la mise en place de crèches de Noël dans les édifices publics. En effet, la crèche de Noël est un sujet de tension récurrent en France à l’approche des fêtes. Face aux souhaits et aux décisions des collectivités territoriales de mettre en place ces crèches, certains tentent de les interdire, notamment à travers un activisme juridique.

En témoignent la récente polémique visant le Conseil général de Vendée ayant mis en place une affiche célébrant la Nativité, les attaques en justice des crèches installées dans les hôtels de ville de Perpignan, Beaucaire, Salon-de-Provence, Châteauneuf-les-Martigues…

Pourquoi tant de tensions? Quel prosélytisme se cache dans une crèche de Noël? En quoi les Santons sont-ils dangereux? En quoi ce combat fait-il avancer la laïcité? En rien. En fait, c’est une bataille purement politique, idéologique, religieuse, visant le catholicisme.

La loi de 1905 concernant la laïcité, met en œuvre la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cette loi acte le fait que "la République française ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte".

L’article 28 stipule: il est "interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception… des musées ou expositions".

Comment faut-il mettre le texte en pratique sans l’enfreindre ni abandonner des symboles forts de notre civilisation? Le désaccord persiste. Est-ce une tradition culturelle ou cultuelle? La laïcité empêche l’affichage des symboles religieux dans les lieux publics. Seule une tradition culturelle pourrait permettre à la crèche de subsister en République laïque.

Pour Nadine Cretin, historienne à l’EHESS, il s’agit évidemment d’une tradition qui s’est laïcisée, dans la mesure où même les non-chrétiens affectionnent les crèches de Noël. Ainsi, elle dit:

C’est indéniablement une scène chrétienne puisqu’elle représente la naissance du Christ. Mais il est certain qu’elle a depuis longtemps dépassé la sphère religieuse. Il s’agit d’une tradition, d’un rite de la fin de l’année pour beaucoup de familles, chrétiennes ou non".

Jean-François Colosimo, théologien, est encore plus catégorique: "Si l’égalité des individus est garantie en France, il n’y a pas en revanche égalité de religions dans l’histoire de France. La religion catholique est largement dominante dans cette histoire et cela transparaît naturellement dans les traditions visibles aujourd’hui dans l’espace public".

La loi de 1905, suivie de 2 000 pages de jurisprudence qui en ont découlé, est une loi d’équilibre que certains ont appelé catho-laïcité. Didier Maus, président de l’Association internationale de droit constitutionnel, souligne qu’il est important d’être libéral en matière de laïcité, et que la crèche ne doit pas seulement être regardée sous l’angle religieux et catholique ".

Alors pourquoi certains bataillent-ils encore? Alexandre Ciaudo, professeur de droit, résume: "La crèche de Noël est la cible d’un activisme religieux, d’associations laïcardes".

Deux associations sont particulièrement virulentes en la matière: la Ligue des droits de l’homme et la Fédération de la Libre Pensée. Cette dernière est née au commencement de la Seconde République, vers 1848. Elle compte parmi ses rangs Aristide Briand, penseur de la laïcité, l’un de ceux qui instaurent la tradition de recours au pouvoir judiciaire pour défendre la vision de la laïcité. La Fédération de la libre pensée ira jusqu’à demander aux juges la possibilité des élus d’assister aux cérémonies religieuses.

La Ligue des droits de l’homme naît dans le sillon de l’affaire Dreyfus en 1898. Elle se spécialise dans la défense des étrangers en France, prend aussi des positions politiques. Par exemple, elle défend le burkini en 2016 en faisant casser les décrets municipaux d’interdiction. L’association est également très virulente en matière de crèches de Noël. Elle a intenté un procès à la mairie de Beaucaire lors de l’installation de la crèche au sein de l’hôtel de ville, en signalant un trouble à l’ordre public.

Il semblerait donc qu’elle soit beaucoup plus ouverte aux autres religions monothéistes, notamment en défendant le port du voile islamique à l’école. L’Association des droits de l’homme refuse de combattre l’abaya à l’école, mais entend arracher les crèches de l’espace public.

La Ligue des droits de l’homme s’appuie sur la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789. Droits d’un "Homme" au sens générique, un "genre humain" qui s’insère dans un projet mondialiste et cosmopolite, donc lié aux cultes du Cosmos. La Déclaration marque une rupture avec la tradition religieuse de la France, le catholicisme. Elle est religieuse. L’Homme fait table rase de Dieu. Il s’auto-attribue des droits contre le Créateur, dresse un écran juridique entre l’homme et Dieu, un "Etat de droit" qui est un leurre diabolique.

La Déclaration des droits de l’homme marque la fin de la civilisation chrétienne. La Révolution substitue une philosophie à la religion comme fondement de la société. La Déclaration fait table rase du christianisme, et aussi du monde traditionnel. Elle marque l’ouverture des Temps modernes, Temps philosophiques, antichrétiens, anti-traditionnels.

Libres penseurs et droits de l’hommistes, anticléricaux fanatiques et intolérants, s’acharnent contre les crèches de Noël, pourtant innocentes de toute propagande, mais encore représentantes de la religion catholique honnie.

En novembre 2016, le Conseil d’État, questionné par des particuliers et des associations, dont celles mentionnées, décide de trouver un juste équilibre. Il décrit les crèches comme "une scène qui présente un caractère religieux, mais aussi un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement les fêtes de fin d’année, sans signification religieuse particulièr ".

Dans un bâtiment public comme une mairie, l’installation d’une crèche n’est pas conforme au principe de neutralité, sauf si des circonstances particulières permettent de lui reconnaître un caractère culturel artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse.

Dans les autres emplacements publics, en raison du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, notamment dans les rues et sur les places publiques, l’installation d’une crèche de Noël est possible, dès lors qu’elle ne constitue pas un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse.

Plus récemment, un groupe de 50 sénateurs LR, porté par Stéphane Le Rudulier, propose de sanctuariser les crèches de Noël comme tradition française, en modifiant la loi de 1905. Cet ajout permettrait ainsi de préserver une tradition et de trancher la polémique annuelle une bonne fois pour toutes. Il ne s’agirait pas de défendre une supériorité du catholicisme, mais bien d’affirmer avec force les fondements de nos sociétés occidentales et de les faire perdurer.

LA CRÈCHE DE NOËL CONTRIBUE A EXPRIMER LE SENS DE CETTE FÊTE ET D’ACCUEILLIR LA JOIE DE NOËL.

Un peuple qui ne connaît pas ses origines et sa culture est un arbre sans racines. L’islamisme tue sur notre sol, avance ses pions et menace la laïcité, dans un but politique: silence et même encouragements des gauchistes libres penseurs, droits de l’hommistes et laïcards. Les mêmes entendent faire de l’interdiction des crèches de Noël dans les bâtiments publics le combat d’avant-garde de la République, alors que le chaos s’installe progressivement.

Les crèches de Noël ont certes un aspect religieux, mais figurent les fondements de notre société. Elles relèvent de notre culture, de notre patrimoine, de notre histoire. Elles participent à nos traditions: ce rite se reproduit invariablement chaque année à la même époque, pour le plaisir et la joie d’une majorité de Français, croyants ou non, petit et grands. Elles présentent un caractère artistique et festif, voire folklorique… et profondément humain. Elles favorisent les souvenirs locaux ou régionaux. Elles n’offensent aucunement les autres religions. Elles ignorent toute propagande et tout prosélytisme. Elles ne menacent pas la laïcité. Elles devraient avoir le droit de s’installer dans les lieux publics en toute légalité.

 

Jean Saunier

08:36 | Tags : blog, histoire, opinions, société | Lien permanent | Commentaires (0)